Aissat idir1915 - 1959 / La conscience du syndicalisme algérien : I- Mouvement nationaliste et syndicalisme algérien

Publié par Par Amar Belkhodja (*) le 16-03-2015, 18h41 | 355

Aïssat Idir est mort comme il a vécu, au service des déshérités, des gueux, des miséreux. Il est mort au service de sa patrie. Il est mort pour que vive l’Algérie libre, indépendante, démocratique et sociale. (L’Ouvrier algérien - Numéro spécial, août 1959).

Aussitôt éliminés par les sévères mesures policières, les secrétariats de l’Ugta se reconstituent automatiquement grâce à un réservoir inépuisable de syndicalistes déterminés à faire du monde ouvrier algérien un force présente dans le combat que soutient le FLN depuis le 1er novembre 1954. De février à juin 1956, cinq secrétariats se sont relayés, privant ainsi les autorités françaises du sentiment d’avoir totalement décapité la centrale syndicale.

Le combat syndical se poursuivra, même si le secrétariat  est contraint de s’exiler à Tunis. L’Ouvrier algérien sortira régulièrement. Sa diffusion est assuré tant en Algérie qu’à l’étranger. L’activité syndicale est présente à tous les moments.. Les instances syndicales internationales sont à l’écoute de l’UGTA. La solidarité est acquise.

Désormais la lutte du peuple algérien résonne partout dans le monde. L’UGTA ne rate aucun rendez-vous avec les congrès organisés dans l’ensemble des continents. Du haut de ces tribunes, les cadres de la centrale syndicale incite à la solidarité internationale avec le peuple algérien en lutte pour son indépendance. En même temps, la communauté internationale est informée sur la répression abominable que fait subir journellement l’autorité colonialiste au peuple algérien.


L’unité syndicale nord-africaine : une préfiguration d’une fédération des pays du Maghreb

Dès les premiers moments de la guerre d’indépendance, le FLN agit avec perspicacité pour unifier les organisations syndicales des trois pays (Maroc, Algérie, Tunisie), aux fins de réaliser les objectifs communs aux trois pays. Le discours politique des dirigeants du FLN est on ne peut plus clair. A savoir que les indépendances du Maroc et de la Tunisie relèvent de l’inachevé tant que l’Algérie n’accède pas elle aussi à la souveraineté.

Le mouvement ouvrier d’Afrique du nord doit donc prendre acte de cette réalité et agir de concert pour faire avancer les choses et dont l’efficacité dépend inévitablement de l’unité syndicale. L’idée qui est soutenue dans des circonstances exceptionnelles - l’Algérie est en état de guerre - est celle qui prend en charge un vieux rêve défendu dans les années 1920 par l’ENA (Etoile nord-africaine) :

l’unité des trois pays nord-africains. Le FLN étant convaincu que l’unité d’action des trois centrales syndicales est un important levier qui militera pour la création d’une fédération des trois pays nord-africains, tel que l’avait préconisé avec force Herhat Hached de son vivant.

C’est dans cet esprit que le ton est donné par l’Ugtt, l’Ugta et l’UMT lors d’une rencontre tenue à Bruxelles le 5 juillet 1956, suivie par la conférence de Casablanca les 18, 19 et 20 décembre 1956. Désormais les bases d’unification des centrales sont jetées. Le discours du FLN alimente les débats. Ses appels reviennent à toute les rencontres maghrébines pour faire prendre conscience que « L’indépendance de la Tunisie puis celle du Maroc, à savoir que cette indépendance n’est qu’un leurre tant que l’Algérie demeure sous la domination du même oppresseur » (Résistance algérienne n° 17 - Edition  B - 1er janvier 1957).

Le texte final de la conférence de Casablanca tient compte de la précarité des indépendances des deux pays maghrébins tant que l’Algérie demeurera sous domination française. Une conférence qui est d’ailleurs considérée comme un jalon dans la création d’une fédération des Etats du Maghreb.
L’Ugta, expulsée par la force, ou forcée à l’exil, ne perd pas pied. Elle se fait représentée partout quand une manifestation à caractère syndical se signale de par le monde.

Le sigle  UGTA, ainsi que le FLN  sont familiers dans toutes les officines et dans les milieux y compris dans les sphères extra-syndicales.Vaille que vaille, l’Ugta poursuit son activité sous les formes les plus diverses. La délégation extérieure a même le luxe d’organiser de stages de formation des cadres syndicaux.

En août 1959, l’Ugta est déjà à son deuxième stage. Il se déroule à Tunis du 19 juillet au 2 août 1959 à l’attention de 23 stagiaires avec pour objectif « La formation de cadres syndicaux valables pour l’Algérie de demain ». On passe en revue plusieurs thèmes : le syndicalisme de base, les syndicats nord-africains, l’historique des mouvements ouvriers tunisien, marocain, libyen,  algérien, panafricain ainsi que le mouvement ouvrier français et la lutte de la classe ouvrière dans le monde.


II- La conscience du syndycalisme algerien

Ni les prisons, ni les fusillades, ni la terreur n’ont jamais pu briser l’ardente volonté d’un peuple en lutte
pour sa liberté et son droit à la vie Ahmed Akkache 18 décembre 1952 Un bref historique sur le syndicalisme algérien.

Je n’ai pas la prétention de donner l’historique du syndicalisme algérien ni d’élaborer une biographie exhaustive de Aïssat Idir. Je n’ai ni la compétence, ni le temps ni les moyens de traiter du premier thème. D’autres l’ont fait avant moi. Je veux nommer plus particulièrement Amar Ouzegane et Boualam Bourouiba.

Quant à la biographie de Aïssat Idir, que dois-je apporter de plus au travail de Mohamed Farès ? En plus des témoignages de première main, la richesse des notes et des références nous affranchissent sur le travail laborieux et patient de l’auteur qui nous livre des biographies sur un grand nombre de personnalités politiques et syndicales.

Un travail méritoire. Le travail de Mohamed Farès constitue une référence capitale et incontournable pour nos jeunes chercheurs dont la mission est de perpétuer - pour la mémoire et la postérité -  les grands moments de luttes, de sacrifices, d’un militantisme ardent, révélateur aussi et surtout du sentiment élevé du patriotisme des aînés.

Mon travail aurait pu être limité au parcours et au drame de Ferhat Hached, le syndicaliste tunisien en ce sens que je disposais d’une somme importante d’écrits le concernant. Un gisement que j’ai exploité à travers la presse de l’UDMA (La République algérienne). Les auteurs d’articles manifestaient leur réprobation du crime  en ne cessant de dénoncer la conspiration du silence faite autour de l’assassinat du leader tunisien par les autorités du protectorat et le centre des décisions basé à Paris.

En réfléchissant, j’ai  définitivement résolu de m’engager dans une double évocation :
- celle de l’assassinat de Ferhat Hached par la Main rouge le 5 décembre 1952.
- Cette de Aïssat Idir, enlevé et assassiné le 27 juillet 1959 par l’armée française.

Deux syndicaliste, martyrs du monde du travail mais aussi deux grands patriotes dont le destin fut tout aussi glorieux que dramatique parce que tous les deux, victimes des forces du mal qui continue malheureusement à empester l’humanité sous d’autres cieux, sous d’autres carapaces, en d’autres lieux, en tous moments, empêchant la planète de tourner en paix.

Le syndicalisme en Algérie, contrairement à la montée fulgurante du syndicalisme tunisien, a connu une évolution assez timide et ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (Guerre Euro - européenne que la revendication sociale devient plus nette, plus directe et plus engagée. Non pas que le mouvement ouvrier algérien va générer des luttes syndicales et ce à par quoi des cadres du terroir vont émerger, mais les ouvriers Algériens vont nécessairement faire leur apprentissage dans un syndicalisme d’importation à travers le CGT notamment.

Ces luttes, ce qui est valable pour les travailleurs français d’Algérie, se sont d’abord développées en France avec l’avènement de la révolution bolchévique de 1917 et la création du parti communiste français ainsi que l’apport du mouvement libertaire qui doit être considéré comme l’ancêtre préhistorique du syndicat  contemporain.

La communauté algérienne établie en France va, en toute évidence, devancer celle laisser derrière elle au pays en matière de revendication sociale et dont la mobilisation va être consacrée par la naissance de la première formation nationaliste : l’ENA (Etoile nord-africaine) dont la base est composée par les travailleurs immigrés Le climat politique fébrile et le bouillonnement social qui emplit le ciel parisien, à cette époque, favorise et encourage l’accélération de l’action de ce premier mouvement dans la revendication tant sociale que nationale, avec le soutien du courant communiste qui compte dans ses rangs quelques étoilistes dont le plus en vue fut le premier président fondateur de l’ENA, Abdelkader Hadj Ali.

« Le premier élément important à retenir à ce sujet, en France notamment, c’est qu’à cette époque de colonialisme, le mouvement syndical algérien se confondit presque entièrement avec le mouvement national dans sa lutte pour l’indépendance. Autrement dit, pour la plupart des travailleurs algériens, la conscience sociale n’apparaît que mêlée à la conscience nationale ». (Hacène Merani - Le  mouvement syndical algérien - Le Quotidien d’Oran du 7 janvier 2009).
A. B.
 journaliste et auteur
A suivre