III - Le Colon, La Secheresse Et La Misere

Publié par DK News le 14-02-2014, 16h59 | 136

Si avec la sécheresse la situation sociale des Algériens s’aggrave, sans elle, cette situation n’est pas tellement brillante. C’est dire que la nature du système est à l’origine de l’appauvrissement de la paysannerie algérienne, appauvrissement qui ne fait que s’accentuer lorsque la nature refuse ses bienfaits.

Lorsque la France et les colons d’Algérie se préparent à célébrer le centenaire de l’occupation en grandes pompes, les Algériens, eux, s’enlisent tous les jours dans le tourbillon de la misère, de l’analphabétisme, de la maladie.
Découvrir des cadavres dans les rues de la ville de Tiaret, semble devenir un spectacle banal. Dans la soirée du 24 février 1925, on trouve le cadavre de Embarek Ben Salem, conducteur de moutons, originaire de Trézel. Il gisait sur un tas de cailloux rue Clauzel (1).  

En 1926, la population européenne de Tiaret n’a pas oublié le très fort afflux de meskines lors de la famine des années 1920 qui provoqua l’épidémie de typhus. En mai 1926, la presse locale donne des avertissements en prévision d’une récolte incertaine ; la région de Tiaret étant la seule du département qui espérait lever une récolte supérieure à la moyenne.

 «L’espoir de pouvoir manger va nous attirer à la fin de l’été et au cours de l’hiver une foule de malheureux qui devront être secourus ou refoulés si les moyens de les abriter et de les nourrir sont insuffisants »(2). A Tiaret, la misère ne lève pas l’ancre. Malgré le refoulement des familles vers leurs douars d’origine, la situation est toujours la même dans cette ville des hauts plateaux. La misère est générale.

Les miséreux algériens sont trop nombreux. L’administration coloniale n’est pas parvenue à « camoufler» la situation.
Elle tente d’imputer le dénuement des populations algériennes aux éléments de la nature. Mais quand la sécheresse arrive, la paysannerie vit déjà dans la précarité. Les ravages sont tels qu’on n’a plus la force de se reconstituer. Alors l’attraction se fait vers les agglomérations.  

Tiaret est une ville où l’exode est quasi- permanent. En décembre 1926, les mendiants, pour la plupart originaires de Ammi-Moussa et sa région, peuplent la ville de Tiaret. Appréhendée, la mauvaise récolte a eu de graves conséquences que la saison hivernale met au jour. A Relizane, des algériens élèvent la voix : «La généreuse France se délecte de notre misère. Des bandes de faméliques, tout déguenillés, tout chétifs parcourent la campagne pour se nourrir d’herbe et de racines» (3).  Le spectre de la famine est encore là. En 1927, la ville de Tiaret reçoit un flot considérable de meskines. 

Ils viennent surtout de Ammi-Moussa, de Zemmourah, de Relizane et également du département d’Alger. «Beaucoup sont minables, vêtus de loques et leur admission à l’infirmerie indigène s’impose d’urgence » (4).
Le nombre de mendiants augmente de jour en jour. «Le Réveil Républicain» consacre une étude à la mendicité. Elle n’est pas naïve, elle est grotesque. Selon cet organe «du comité Républicain pour la Défense des Intérêts de la Région de Tiaret et du Sersou» les vraies causes de la mendicité sont au nombre de trois :

1° le manque d’instruction, 2° le manque de ressource, 3° la tolérance du mariage des musulmans qui ne peuvent entretenir leurs femmes (5). Le journal local reconnaît toutefois qu’«au point de vue équité, il est regrettable de voir en Algérie que, seuls, les musulmans subissent ce sort malheureux, qu’on n’a pas pris pour leurs frères (sic) les non musulmans. Cette distinction de fait, cette inégalité sociale qui choque les sentiments, doit disparaître » (5).