Burundi : Bras de fer entre le gouvernement et l'opposition au Burundi autour des élections

Publié par DK News le 28-04-2015, 16h18 | 23

Le gouvernement au Burundi et l'opposition sont engagés dans un bras de fer depuis la candidature annoncée du président Pierre Nkurunziza  à un troisième mandat présidentiel, les opposants maintenant la pression par des manifestations pourtant interdites.

M. Nkurunziza a été désigné par le parti au pouvoir, le Cndd-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), candidat à l'élection présidentielle du 26 juin, à l'issue d'un congrès à Bujumbura. L'opposition et de nombreux pans de la société civile considèrent qu'un troisième mandat de M. Nkurunziza serait contraire à la Constitution du Burundi et aux accords d'Arusha, qui ont ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006).

Aussitôt l'annonce faite samedi, l'opposition a appelé à des manifestations «pacifiques» afin de contrer ce qu'elle qualifie de «coup d'Etat» et contraindre Pierre Nkurunziza à renoncer à cette candidature.
Pourtant, la veille, le gouvernement avait interdit toute manifestation «pour quelque raison que ce soit sur l'ensemble du territoire du pays à partir de samedi, sauf les réunions politiques en rapport avec la campagne électorale», c'est-à-dire les meetings électoraux.

Dimanche, des heurts ont d'abord éclaté entre petits groupes de manifestants et policiers à Bujumbura, mais la situation a vite dégénéré. Trois personnes ont trouvé la mort (deux sur le coup, une des suites de ses blessures, selon un bilan de la Croix-Rouge) dans des affrontements avec des policiers qui ont fait usage de balles réelles pour disperser les manifestants.

Deux autres personnes ont été tuées dans des descentes nocturnes faites selon des témoins par des jeunes du parti présidentiel dans le quartier de Cibitoke (nord), où les affrontements avaient été les plus violents dans la journée.

Les opposants ont promis de poursuivre mardi les manifestations de protestation à Bujumbura, au lendemain d'affrontements sporadiques.

Arrestation d'une figure de la société civile, une radio fermée

Dans ce contexte, une figure de la société civile burundaise, le défenseur des droits de l'Homme Pierre-Claver Mbonimpa, qui a appelé à manifester contre un éventuel troisième mandat du chef de l'Etat, a été arrêté lundi à Bujumbura.

Le militant, patron de la principale organisation de défense des droits de l'Homme burundaise (Aprodeh), est une des principales voix de la société civile opposée à un nouveau mandat du président Pierre Nkurunziza.

Selon des sources concordantes, un mandat d'arrêt a aussi été émis contre Vital Nshimirimana, principal organisateur au sein de la société civile de la campagne contre un troisième mandat de Pierre Nkurunziza.

Samedi, la justice burundaise avait inculpé puis écroué 65 jeunes militants de l'opposition arrêtés la veille au cours de heurts qui ont opposé un millier de manifestants à la police dans les rues de Bujumbura. Entre dimanche et lundi, «environ 320 personnes» ont au total été arrêtées, selon la police.

Cinq partis de l'opposition ainsi que des dissidents du parti de Nkurunziza, le Cndd-FDD, avaient lancé la semaine dernière une «campagne» pour empêcher le président de se représenter.
Lundi, les autorités ont fermé la principale radio indépendante du pays. La RPA (Radio publique africaine), station la plus écoutée du pays, a elle-même annoncé s'être fait retirer son autorisation d'émettre, avant que son signal ne soit coupé.

Accusée par les autorités d'incitation «au soulèvement», elle ne pouvait déjà plus émettre au-delà de Bujumbura depuis les premières manifestations de dimanche.

Nkurunziza ne «reculera pas» devant les manifestants

Bien que la situation reste tendue au Burundi, le conseiller en communication du président sortant, Willy Nyamitwe, a assuré mardi qu'«on ne recule pas, ça c'est hors de question». «Le parti au pouvoir, dans un processus démocratique, avait le droit de présenter son candidat à la présidentielle 2015 comme tous les autres partis», a-t-il insisté, accusant certains manifestants, dont «les jeunes du parti Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD) de l'opposant en exil Alexis Sinduhije, d'«emprunter «une voie de la violence» qui rappelle «les années sombres de notre histoire», en référence aux premières années de la longue guerre civile (1993-2006).

La communauté internationale mécontente

Dès l'annonce de la candidature de Nkurunziza à un troisième mandat, Marie Harf, porte-parole du département d'Etat américain a déclaré dans un communiqué: «Nous regrettons cette importante occasion manquée, mais le dur travail de construction des institutions et des pratiques démocratiques doit continuer».

Les Etats-Unis, a-t-elle indiqué, appellent toutes les parties à «faire en sorte que ces processus électoraux soient inclusifs, transparents, crédibles, libres et conduits dans un environnement dépourvu de menaces, d'intimidation ou de violence». Washington est, selon elle, prêt à prendre «prendre des mesures ciblées, y compris, lorsque ce sera approprié, en décidant des refus de visas américains».
Le Conseil de sécurité de l'ONU avait appelé auparavant le gouvernement et l'opposition au Burundi à «s'abstenir de tous actes de violence et d'intimidation avant, pendant et après les élections» prévues en mai et juin.

L'Union européenne (UE) a, de son côté, dénoncé «l'intimidation et la violence, les morts et blessés, l'arrestation de défenseurs de droits de l'Homme et la restriction des médias, le flux de réfugiés vers des pays voisins n'ont pas leur place dans un processus électoral».

Au cours du week-end, le nombre de réfugiés burundais ayant fui au Rwanda a augmenté considérablement, avec plus de 5.000 réfugiés qui sont entrés dans le pays en seulement deux jours, a indiqué mardi le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).