
Le principal accusé dans l'affaire de la caisse principale de Khalifa Bank, Abdelmoumène Khelifa, a nié mercredi devant le tribunal criminel près la cour de Blida avoir falsifié deux actes d'hypothèque d'une villa à Hydra et d'un magasin à Chéraga en vue d'obtenir un prêt bancaire pour créer sa banque privée.
Interrogé par le président d'audience, Antar Menouar, sur le chef d'accusation de falsification de deux actes d'hypothèque utilisés pour contracter un prêt auprès de l'agence de la BDL de Staouéli (ouest d'Alger), l'accusé a dit que les deux actes ne portaient pas sa signature et que les descriptions de la villa et du magasin dans ces documents ne correspondaient pas à sa maison familiale et à sa pharmacie. Il a ajouté que les deux actes en question ne concernaient pas sa banque mais une autre entreprise, qualifiant d'«illogique» et d'«inconcevable» son accusation de falsification des deux documents.
Interrogé par le juge sur les moyens par lesquels il a obtenu un premier prêt d'un montant de 61 millions de dinars et un second d'un montant de 51 millions de dinars en 1997 de l'agence de la BDL de Staouéli, l'accusé a répondu qu'il disposait d'un ancien compte bancaire dans cette agence où les «facilités de financement» dont il bénéficiait lui ont permis d'obtenir les prêts.
L'accusé a précisé qu'il n'avait entendu parler des actes en question qu'en 2004, estimant que cette histoire de falsification était «montée de toutes pièces». La justice doit fournir le dossier qui a accompagné la demande de crédit hypothécaire, mais «il n'existe pas», a-t-il ajouté.
Il a nié s'être rendu avec le directeur de l'agence bancaire d'alors, Idir Mourad Issir, (également accusé dans l'affaire) dans l'étude du notaire Rahal Omar dont le cachet aurait été utilisé, en son absence, par une tierce personne comme énoncé dans l'arrêt de renvoi.
Il a ajouté qu'il n'avait pas besoin de recourir à un prêt pour la création de Khalifa Bank et que cette dernière était financée par les profits générés de la filiale française de sa société de fabrication de médicaments.Abdelmoumène Khelifa est accusé d'association de malfaiteurs, de vol qualifié, d'escroquerie, d'abus de confiance et de faux en écriture.
Après les questions sur l'hypothèque de la villa et du magasin, l'accusé est interrogé sur les détails de la création et de la gestion de la banque. Le juge Antar Menouar avait annoncé en début d'audience qu'elle serait «longue».
Le tribunal criminel de Blida a annoncé lundi la jonction de l'affaire Khalifa Bank, jugée après cassation, avec celle d'Abdelmoumène Khelifa, jugé en première instance en 2007 par contumace et condamné alors à la réclusion criminelle à perpétuité.
...Et reconnaît les infractions juridiques
Le principal accusé dans le procès de l'affaire Khalifa Bank, Abdelmoumène Rafik Khelifa, a reconnu mercredi l'existence d'infractions à la loi, à peine deux mois après la création de la banque, et ce, lors du changement de ses statuts.
«Le 28 septembre 1998, Khalifa Bank a procédé au changement de ses statuts à la suite de la démission de son ex-P-DG Kaci Ali, la Banque d'Algérie n'en avait pas été informée», a reconnu Abdelmoumène Khelifa, lors de son audition par le président du tribunal criminel de Blida, Antar Menaour.
Ce dernier a tenu, par conséquent, à attirer l'attention du prévenu sur l'infraction à la loi que l'inspection de la Banque d'Algérie, entreprise du 22 mars 1999 jusqu'au 29 juin 1999 au niveau de la banque, n'avait pas manqué de révéler à ce sujet.
«Cela faisait trois mois seulement que la banque a été créée», a tenu à souligner le juge, qui s'est interrogé si le prévenu a «régularisé» la situation de la banque après qu'il en ait pris la fonction de P-DG, en remplacement de Kaci Ali.
«Kaci Ali nous avait assuré avoir procédé au changement de sa signature. De plus, je recevais de la correspondance de la Banque d'Algérie en mon nom, ce qui à mes yeux signifiait que j'étais considéré comme étant en règle. En sus de cela, le gouverneur général de la Banque d'Algérie de l'époque, Mohamed Laksaci, avait considéré qu'il s'est agi d'une erreur de bonne foi, sans plus», a expliqué Abdelmoumène Khelifa.
«C'est une tempête dans un verre d'eau», a-t-il lancé ensuite sur un ton qui se voulait rassurant, alors qu'il avait esquivé, à maintes reprises, la question du juge sur sa conformité à la loi après la démission de Kaci Ali et du changement des statuts ayant suivi ce départ.
Aux origines de l'ex-Khalifa Bank
Le président du tribunal est remonté, dans son audition, à la genèse de la création de ladite banque, à commencer par demander à son ex-propriétaire «les motivations ayant amené un pharmacien de formation à s'intéresser au domaine bancaire».
Ce à quoi, l'accusé a rétorqué que c'est à la faveur de l'ouverture du secteur à l'investissement privé, début 90, qu'il a pensé au lancement de sa banque, ajoutant avoir suivi des formations en France dans cette perspective.
A la question de savoir si le montant du capital de lancement de la Khalifa Bank avait été réglementaire, Abdelmoumène Khelifa s'est défendu d'avoir signé un chèque de 125 millions de DA, alors que le président du tribunal lui a signifié n'avoir la trace que de la somme de 85 millions de DA.
Interpellé sur les placements de fonds effectués par les clients auprès de la banque dissoute quelques mois seulement après le lancement de celle-ci, l'accusé a expliqué cela par le taux «incitatif» qui y était pratiqué et qui était de l'ordre de 11 % en 1998, avant qu'il n'oscille entre 7 et 13% par la suite. Les crédits étaient fixés quant à eux entre 8 et 10%.
Le juge s'est alors interrogé comment la banque s'en sortait «sans risquer la faillite».
Les droits de douanes payés par la banque au profit de leurs clients représentaient un des moyens de remboursement, a expliqué M. Khalifa.
Le juge Menouar s'est, par ailleurs, enquis de savoir comment A. Khalifa a pu étendre le réseau de l'institution bancaire à travers le territoire national en un laps de temps aussi court.«La moitié des locaux des agences se trouvaient dans des places commerciales et était louée auprès des particuliers et des entreprises publiques étant donné qu'on ne pouvait les acheter, alors que nous avions pu acquérir le reste», a argumenté le prévenu lequel a, par ailleurs, fait endosser la responsabilité du choix des recrutements du personnel de la banque à son ex-Directeur général, Mohamed Nanouche.
L'ex-milliardaire s'est, par ailleurs, défendu d'avoir enfreint la réglementation s'agissant de la procédure de transfert des recettes quotidiennes des différentes agences de la banque vers la Banque d'Algérie.
«En 5 ans, il n'y a pas eu d'incidents majeurs signalés par nos clients», a-t-il affirmé au moment où le juge a fait état de «trous» financiers et d'un «laisser-aller inédit» dans la gestion de la défunte banque.
«N'affirmeriez-vous pas que vos employés détenaient une longue expérience dans le domaine pour avoir exercé dans des banques publiques auparavant?», lui a-t-il lancé, faisant remarquer des «irrégularités» dans les écritures bancaires entre les sièges bancaires. Se voulant imperturbable, l'ex-dirigeant du groupe Khalifa a continué de nier les chefs d'accusation égrenés l'un après l'autre par le juge Menaouer, non sans susciter, par moments des éclats de rire dans la salle lorsque le premier use d'ironie et que le prévenu tente une réplique pour le moins «gauche».
Le procès après cassation de l'affaire Khalifa Bank s'est ouvert lundi au tribunal criminel de Blida, huit années après le premier procès en janvier 2007 au niveau du même tribunal.Au total, 75 prévenus, dont 21 détenus en plus de l'accusé principal Abdelmoumene Khelifa, comparaîtront pour la deuxième fois lors de ce procès qui verra, par ailleurs, la présence de plus de 300 victimes et partie civile.