Batna : La femme de la région de N’gaous et sa longue histoire avec l’abricot

Publié par DKNews le 21-06-2015, 15h49 | 571

Les femmes de la localité de N’gaous (Batna) et des régions alentours ont développé, à travers le temps, mille et une manières de transformer le fruit de l’abricotier en différents produits consommés tout le long de l’année alors même que la période de récolte dure à peine quelques semaines.

Eau fruitée, jus, nectar, confiture, fruit séché, pâte sucrée, «la totalité du fruit est transformée, rien n’est jeté», affirme Fatima Bekhouche, une enseignante retraitée de 63 ans et présidente de l’association culturelle «Nour» de la commune de Sefiane.

L’abricot et la femme N’gaoussie ont une longue histoire commune, affirme Mme Bekhouche qui conserve jalousement les recettes à base d’abricots transmises de mère en fille dans cette région de la wilaya des Aurès.  

Le jus traditionnel, roi de la table du f’tour de ramadhan  Même si N’gaous est devenue, ces dernières années, la capitale des jus avec l’ouverture de six nouvelles unités de production aux côtés de la célèbre conserverie portant le label «N’gaous», les femmes de la région tiennent par-dessus-tout à préparer elles-mêmes le jus traditionnel d’abricot au goût très apprécié dans tous les ménages de la localité, souligne Ibtissam Rakdi, une femme au foyer.

A chaque récolte, les femmes prennent une quantité assez importante d’abricots qu’elles lavent minutieusement avant de les débarrasser de leurs noyaux pour les faire cuire avec un peu d’eau et de sucre.

Le fruit est ensuite écrasé de façon à obtenir un jus très concentré que l’on conserve au frais et que l’on consomme à l’envie en y ajoutant un peu d’eau et, éventuellement, du sucre, explique la jeune femme. Ibtissam jure que nulle demeure de la ville N’gaous ne peut se passer de ce «rafraîchissement naturel, désaltérant et délicieux».

De la confiture et «El Fermas» pour les provisions de l’hiver

Les ménagères s’attèlent toujours, durant la période de cueillette, à maximiser les profits que l’on peut tirer de ce fruit en le transformant en produit «stockable» pour de longues périodes comme le faisaient les aïeules, souligne de son côté Kheira Maâmir, une vieille femme de N’gaous.

Il est ainsi de coutume, ajoute-t-elle, de transformer de grandes quantités d’abricots en confiture que l’on conserve dans des récipients en verre, hermétiquement fermés. Elle ajoute, à voix basse, après avoir regardé à droite puis à gauche, comme si elle allait divulguer un «secret d’Etat», que le récipient contenant la confiture doit être renversé sur son couvercle pendant deux ou trois heures.

De cette façon, souligne-t-elle encore d’un air entendu, «la confiture fermera tout passage possible à l’air, aussi infime soit-il, permettant une conservation pour une année et plus, même en dehors du réfrigérateur».

Les quantités d’abricots de moindre qualité et les fruits qui tombent sur le sol sont ramassés, lavés puis séchés pour obtenir El Fermas, très demandé par les gens du Sud et des Hauts Plateaux qui s’en servent pour préparer des plats traditionnels dont El Aïch (ou berkoukès) et la chekhchoukha Biskria.

Dans la région de Sétif, le plat de chekhchoukha obtenu par la cuisson de très fines feuilles de semoule posées les unes sur les autres avant d’être «déchirées» à la main et arrosées de sauce, est d’ailleurs appelée «El M’fermsa» par référence à El Fermas.

Consommables (et très goûteux), les noyaux des variétés d’abricot dites «Louzi» et «Rosé» sont ôtés et conservés pour des utilisations en pâtisseries notamment, souligne de son côté Hanane Mihoubi, agronome rencontrée par l’APS dans une coopérative agricole de la commune de Boumegueur.

Des denrées permettant l’autosuffisance mais en quête de promotion
Pour la présidente de l’association «Nour» de Sefiane, Fatima Bekhouche, la majorité des mères de famille de la région de N’gaous et des localités voisines où la culture des abricotiers domine, ont réussi à assurer «l’autosuffisance» de leurs ménages grâce à ce fruit dont l’accommodement et la préparation sont aujourd’hui facilités par les équipements électroménagers modernes.

«L’idée de commercialiser le surplus de ces produits n’est pas mauvaise mais reste irréalisable localement car toutes les familles en produisent» d’où, selon elle, la nécessité de rechercher des débouchés dans les villes et les wilayas voisines.

Disposant sur une table divers produits à base d’abricot préparés par les membres de son association, Mme Bekhouche se dit «convaincue», à un moment où l’on appelle à consommer algérien, que ces produits du terroir, de haute valeur nutritive et totalement bio, peuvent facilement se frayer un chemin vers les consommateurs des autres régions du pays