La déchéance de la nationalité française : Un «boulet» pour François Hollande

Publié par Cherbal E-M le 20-12-2015, 23h42 | 114

Annoncée en grande pompe, quelques jours après les attentats du 13 novembre, avec l’assentiment de la classe politique française, la mesure longtemps revendiquée par l’extrême droite puis par la droite, dite de la ‘’déchéance de nationalité’’ ne suscite plus les mêmes ardeurs, voire qu’elle provoque même des remous au sein de la majorité de gauche, notamment  dans des cercles proches du président François Hollande que la presse française trouve, lui-même refroidi sur la question.

En fait, le problème s’est d’abord posé  au niveau de la ‘’faisabilité juridique’’ de la mesure ;  l’article 25 du code civil français prévoit  en effet  la déchéance de la nationalité mais applicable uniquement pour les binationaux ayant acquis la nationalité française. Devant les deux chambres du parlement français, réunies en congrès le 16 novembre à Versailles, François Hollande est allé au-delà : « Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s'il est né Français, je dis bien même s'il est né Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité », a-t-il déclaré, repris par le site  www.bfmtv.com.  Saisi pour se prononcer sur la mesure, le Conseil d’Etat l’a jugée applicable dans le cadre d’une révision de la Constitution, dans le sens où, argumente-t-il, elle est d’une ‘’portée limitée’’. En effet, la mise en œuvre de la déchéance telle que souhaitée par Hollande doit impérativement passer pour un nouveau chantier de révision de  la Constitution, dans la mesure où la loi  « du 23 janvier 2006 rend en effet impossible la déchéance de la nationalité française lorsque celle-ci a été acquise plus de 15 ans avant les faits reprochés. Ce délai est garanti par le Conseil constitution », souligne le site de la radio française europe1.fr qui souligne que  « Les binationaux nés Français ont donc peu de risques d'être concernés, à moins d'être des terroristes très précoces.» Et puis, il faudrait également faire avec le premier article  de la Constitution française qui garantit  « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine ».

Aux péripéties juridiques nécessaires à l’application de  son engagement, François Hollande fait face à une fronde qui se fait de plus en plus bruyante, et émane  de ses cercles les plus fidèles.  Les alliés Verts n’ont pas caché leur désapprobation, à l’image de la coprésidente des députés écologistes et députée de Paris, Cécile Duflot,  qui a estimé que  la déchéance de la nationalité de citoyens nés Français ‘’serait une faute’’.  Même réaction de la part d’Emmanuelle Cosse   secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV),  qui se prononce sur cette mesure sur  le site www.liberation.fr, en déclarant : « Sincèrement, c’est scandaleux et extrêmement inquiétant. Si nous faisons ça, nous tombons exactement dans le piège que veut nous tendre Daech. Ce serait inefficace voire contre-productif… » Les soucis de François Hollande ne font que s’accentuer, à voir des ténors de son cercle rapproché se démarquer d’une telle disposition. Après les réserves émises publiquement par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, c’est au tour du premier Ministre Manuel Valls, suivi du ministre de l’intérieur. Manuel Valls ne se cache plus pour dire ses doutes sur cette mesure, et sur son efficacité, lâchant même devant des journalistes : «Je ne suis pas choqué par cette proposition, mais est-ce que le symbole, qui concerne quelques cas, en vaut la peine? ». Reçu par le président, Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur ne se prive pas pour demander l’abandon de la mesure. Les critiques au sein de la majorité semblent avoir obtenu  un écho au Palais de l’Elysée où des bruits fuitent sur un possible revirement sur l’engagement présidentiel en la matière. En prévision d’un prochain conseil des ministres, qui aura à aborder la question, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, donne de la consistance à ces bruits, en avouant sur l’antenne de la radio Europe1 : « J'ai l’impression qu'aujourd'hui il y a de moins en moins de gens qui pensent qu'il est fondamental d'inscrire dans la Constitution la perte de nationalité ». Co-auteur d’un livre paru en 2014, sous le titre, ‘’Islamophobie: la contre-enquête' (Plein Jour, 288p, 19€, octobre 2014), le journaliste Jean-Christophe Moreau, s’est livré à une analyse de la déchéance de la nationalité française dans un papier mis en ligne par lefigaro.fr ; il y livre ses craintes  « que sa généralisation n'entraîne dans les faits - pour reprendre les termes d'une saisine déjà ancienne du Conseil constitutionnel – ‘’une inquiétante   fabrique d'apatrides ” que bien évidemment aucun pays étranger ne voudra accueillir’’, exceptés ceux qui nous sont hostiles... ». Il reprend pour la circonstance, cette formule de l’ancien leader socialiste  Michel Vauzelle qui disait en 1992 : «il ne me paraît pas raisonnable de raccompagner chez l'ennemi celui qui est en intelligence avec l'ennemi. Il vaut mieux le garder “par chez nous”, comme on dit, quand on est un rural. »

Cherbal E-M