Maroc : Des milliers de personnes sont exposées à des souffrances inutiles en fin de vie

Publié par DK News le 05-02-2016, 17h14 | 31

Des dizaines de milliers de patients en phase terminale de leur maladie au Maroc souffrent inutilement de douleurs invalidantes et d'autres symptômes, a déclaré jeudi Human Rights Watch, appelant le gouvernement marocain à prendre des mesures visant à soulager la douleur de ces patients.

Dans un rapport de 89 pages, intitulé «Douleurs déchirantes : défis et progrès pour garantir le droit aux soins palliatifs au Maroc», publié jeudi à New York à l'occasion de la journée mondiale contre le cancer, l'ONG américaine des droit de l'homme a estimé que chaque année, plus de 62 000 Marocains ont besoin de soins palliatifs.

Ces soins visent à améliorer la qualité de vie de personnes atteintes de maladies limitant leur espérance de vie, en traitant la douleur et d'autres symptômes. Human Rights Watch a constaté à ce titre que seuls deux hôpitaux publics, à Casablanca et à Rabat, disposent d'unités spécifiques proposant ce service de santé essentiel, et seulement aux malades atteints d'un cancer.

Les malades souffrant de douleurs aiguës et qui ne vivent pas dans ces deux villes doivent soit entreprendre des déplacements difficiles pour se rendre dans ces centres, soit se passer de médicaments antidouleur efficaces.

«Il est urgent que le gouvernement marocain développe davantage les services de soins palliatifs», a déclaré Diederik Lohman, directeur adjoint de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch.

«A l'heure actuelle, des milliers de personnes atteintes de cancer et d'autres maladies graves au Maroc souffrent inutilement de symptômes pouvant pourtant être traités», a-t-il ajouté.
Le rapport est le neuvième d'une série d'études menées par Human Rights Watch sur la façon, dont les pays fournissent des soins de santé aux personnes atteintes de maladies incurables. D'autres rapports examinent la situation en Arménie, en Inde, au Kenya, au Mexique, au Sénégal et en Ukraine, entre autres.

Au Maroc, Human Rights Watch a mené des entretiens approfondis auprès de 85 patients et professionnels de la santé dans cinq régions du Maroc entre septembre 2014 et janvier 2015, et a effectué une analyse détaillée des lois, règlementations et politiques du Maroc concernant les soins palliatifs.

Human Rights Watch a relevé que la situation est particulièrement grave pour les 40.000 Marocains qui chaque année ont besoin des soins palliatifs pour des maladies autres que le cancer, comme les maladies cardiaques, respiratoires ou rénales à un stade avancé. Le Maroc ne dispose d'aucun service de soins palliatifs pour de tels patients.

L'ONG a constaté que seul un médecin sur 50 peut prescrire de la morphine, le traitement essentiel en cas de douleurs aiguës en fin de vie, pour les patients ambulatoires, et estime qu'au Maroc, parmi les personnes qui en ont besoin, quatre sur cinq n'en bénéficient pas.

Les soins palliatifs à domicile n'existent pas en dehors de Casablanca et de Rabat. «A cause de la douleur je ne pouvais pas dormir, je ne pouvais pas parler avec mes amis», a confié un homme de 29 ans atteint d'une tumeur à la jambe et à l'abdomen, et qui n'avait pas accès aux soins palliatifs. «Je voulais me fracasser la tête contre le mur».

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère les soins palliatifs comme une partie intégrante des soins de santé et recommande leur intégration dans les systèmes de santé nationaux, a rappelé cette ONG. HRW a souligné à ce propos que l'article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que le Maroc a ratifié en 1979, prévoit que les gouvernements ont une obligation de garantir la disponibilité des soins palliatifs, l'accès aux médicaments essentiels de soins palliatifs, notamment la morphine, et une formation appropriée des prestataires de soins de santé.

«S'abstenir de respecter cette obligation peut entraîner une violation du droit à la santé et dans certains cas, pourrait constituer une violation de l'interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants», a-t-elle dénoncé.