Hommage national à Michel Rocard, l’homme de la "deuxième gauche" et l’ami fidèle de l’Algérie

Publié par DKNews le 08-07-2016, 14h21 | 40

PARIS-Un hommage national a été rendu jeudi aux Invalides à Michel Rocard, l’homme de la "deuxième gauche" et ami fidèle de l’Algérie qui s’était engagé contre la guerre livrée par la France coloniale contre le peuple algérien.

De nombreux responsables politiques étaient présents dans la cour des Invalides à Paris pour rendre un hommage national, cinq jours après sa mort à l’âge de 85 ans,  à l’ancien Premier ministre sous François Mitterrand (1988-1991), précédé par une cérémonie au temple de l’Etoile à Paris.

A la demande du défunt dans un testament, son ami Edmond Maire, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) de 1971 à 1988, puis François Hollande ont prononcé un éloge funèbre devant son cercueil posé à même le sol de la Cour des Invalides.

Il doit être incinéré et ses cendres devant ensuite être inhumées en Corse, sur cette île où, selon ses termes, sa dernière épouse, Sylvie, connut ses "joies d'enfant".

Le président François Hollande a salué, dans un discours, une "grande et belle figure de la République". Théoricien de la "deuxième gauche", Michel Rocard, selon le président français, "pouvait être sévère à l'égard de la première", mais il savait "que les deux gauches devaient s'unir pour gouverner".

Dans sa dernière interview, un testament politique, accordée à l’hebdomadaire le Point du 23 juin dernier, il avait affirmé que la gauche française actuelle est "la plus rétrograde".

Dans son analyse de la classe politique française, Michel Rocard a estimé que "la démocratie chrétienne avait un projet de société pour toute l’Europe qu’elle a fini par abandonner. Le gaullisme a disparu. Le communisme s’est englouti dans son propre archaïsme et le socialisme porte un projet, mais il n’est plus clair depuis longtemps".

Très jeune, il milita activement au sein de la gauche française, notamment à la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), et se dressa alors contre la politique "algérienne" de Guy Mollet pour entrer en dissidence.

En sa qualité de secrétaire des Etudiants socialistes, il est hostile à la guerre menée par sa famille politique contre le peuple algérien et fonde le PSA (Parti socialiste autonome).

Le 17 février 1959, en sa qualité de fonctionnaire, âgé de 28 ans, il remet un rapport sur les conditions prévalant dans les camps de concentration des Algériens (homme, femmes et enfants) au délégué général en Algérie.

Le rapport faisait état d’une réalité ignorée par l’opinion publique concernant plus d’un million d’Algériens, détenus dans des conditions inhumaines dans ces camps, une des tragédies les plus méconnues de la guerre d’Algérie, qui enregistraient une mortalité enfantine effrayante.

Michel Rocard relatait dans son rapport que, par jour, près de 500 enfants sont menacées de famine. Alerté par l'auteur du rapport, le cabinet du garde des Sceaux du gouvernement de Michel Debré, Edmond Michelet, décide de donner ce rapport à la presse.

Selon des historiens, ce rapport est à l’origine du manifeste des « 121» intellectuels et hommes de culture français contre la « guerre d’Algérie», dans lequel les signataires dénoncent la pratique de la torture et s’engagent à refuser de "prendre les armes contre le peuple algérien".

Dans un message de condoléances adressé à son homologue français, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a qualifié le défunt d’"ami fidèle" de l'Algérie ayant contribué à bâtir des relations bilatérales "frappées du sceau du respect mutuel".

"Esprit généreux et universel, s'il en est, Michel Rocard a, dans bien des moments, su être en avance sur son époque. Il a gagné une place de choix dans l'histoire de la France et dans celle d'autres nations comme la mienne dont il a su très tôt capter l'aspiration indomptable à la liberté", a affirmé le chef de l’Etat.

"Homme de lucidité, de courage et d'engagement, il aura été de ceux qui ont précisément compris que la grandeur de la France allait se mesurer à la capacité de ses dirigeants d'inscrire leur attitude dans la cohérence de l'histoire en allant à la rencontre d'une indépendance que l'Algérie avait gagnée de haute lutte, avant de contribuer à bâtir des relations bilatérales frappées du sceau du respect mutuel", a-t-il relevé, soulignant qu’avec sa disparition, "la France perd un homme de coeur et de raison, l'Algérie un ami fidèle, l'humanité un être d'exception".