Sous la "férule" de ses propriétaires, la presse française renonce à la défense des libertés politiques (Monde Diplomatique)

Publié par DK News le 09-07-2016, 15h55 | 86

Sous la "férule" de ses propriétaires, la presse française renonce à son "rôle de défenseur" des libertés politiques, a estimé le Monde Diplomatique dans sa livraison de juillet, mettant en exergue une "information sous contrôle".

Dans une longue analyse, sous la plume des journalistes Serge Halimi et Pierre Rimbert, connus pour être des militants pour la liberté de la presse, le Monde Diplomatique a indiqué que "le fonds commun républicain d’une presse défendant les droits démocratiques et les libertés publiques a cessé d’être un sanctuaire".

A la lumière d’une "virulente" campagne de la presse contre les syndicats anti-loi de travail, le mensuel a relevé que "dorénavant, le journalisme encourage la dérive autoritaire du pouvoir, et le fait d’autant plus volontiers que se resserre autour de son cou le cercle de fer des industriels qui le possèdent".

Dans son rapport 2016, rappelle-t-on, Reporters Sans Frontières (RSF) a classé la France à la 45ème place, soulignant que le rachat de médias par des acteurs de la finance et de l’industrie suscite des craintes de "plus en plus grandes" sur l’indépendance éditoriale.

"L’appropriation des médias par une poignée d’hommes issus de la finance et de l’industrie constitue d’ailleurs la principale raison du recul relatif de la France", a expliqué RSF en avril dernier, précisant que cette situation "entraîne des conflits d’intérêts qui font peser une menace sur la liberté de l’information, et même sur la situation économique des médias, le développement de ces derniers étant pour leurs détenteurs un objectif second".

Le Monde Diplomatique a soutenu, dans son analyse très documentée agrémentée de citations et d’exemples concrets, que dans des entreprises soumises à des contraintes économiques "toujours plus dévorantes" des aides publiques, les directions éditoriales "ne pèchent pas par l’absence d’un équilibre qu’elles n’ont au fond jamais cherché à établir", car elles agissent comme une "force politique".

"La presse agit comme la caisse de résonnance d’un bloc politique, mais lequel ? Il n’a pas de nom, pas de visage. Il ne présentera jamais de candidat. Et pourtant, il gouverneà les conduites et les consciences", analysent les auteurs, estimant que "ce parti de l’ordre recrute dans un large spectre politique, au croisement des mondes patronaux et syndicaux réformistes, de la haute administration, de la haute finance, du journalisme de marché et des intellectuels de pouvoir".

Dans leur réquisitoire, ils s’interrogent : "Peut-on réduire le journalisme à ses chefferies, elles-mêmes mises en place par les actionnaires, alors que la profession compte officiellement près de 36 praticiens ?". "Des journaux soldés pour une bouchée de pain, des journalistes aspirés à leur tour dans le vortex de la précarisation et prêts à concéder toujours plus aux industriels encore disposés à renflouer leur entreprise", ont-ils souligné, notant que le rapport de force s’est à ce point infléchi en faveur du propriétaire".

Pour rappel, le Canard Enchaîné a consacré, dans un cahier spécial, édité en avril, tout un chapitre sur "les médias sous influence" dans lequel il fait état de "reformatage" des médias au profit des milieux des affaires, regrettant par ailleurs que la télévision publique "n’est plus la voix de la France".

"L’Etat y fait toujours entendre sa voix, surtout celle de son financement", a-t-il écrit, faisant état également de l’influence des annonceurs qui exercent, selon des témoignages, "une pression économique sur les équipes journalistiques".