
À 4 mois, la moitié des bébés ont un reflux gastro-œsophagien. Mais tous n'en souffrent pas, loin de là. La priorité ? Bien faire la différence entre régurgitations normales et reflux pathologiques.
Reflux : pourquoi est-ce si fréquent chez les tout-petits ?
Avant l'âge de 6 mois, le sphincter situé en bas de l'œsophage n'est pas encore assez tonique pour remplir parfaitement son rôle. C'est-à-dire qu' il ne se contracte pas suffisamment pour empêcher la remontée d'une partie du contenu de l'estomac dans l'œsophage. L'alimentation, essentiellement liquide, et la position allongée quasi permanente des bébés n'arrangent pas les choses.
Les petits rejets peuvent-ils être gênants ?
Dans la grande majorité des cas, les régurgitations sont physiologiques (normales) et n'entraînent qu'une augmentation du nombre de lessives ! Les bébés, eux, les vivent très bien. Ils ne sont visiblement pas gênés par ces renvois et continuent de sourire pendant qu'on les essuie fébrilement. Les Anglo-Saxons parlent d'ailleurs de "happy spitters" (crachouilleurs heureux)
Que faire si les reflux se répètent trop souvent ?
Trop fréquentes, les régurgitations pourraient finir par irriter la muqueuse œsophagienne et évoluer vers un reflux pathologique. Mieux vaut donc diminuer leur nombre. La priorité : s'assurer que bébé ne mange pas trop. Quand les pleurs sont mis à tort sur le compte de la faim, des prises de lait peuvent entraîner un "trop-plein" de l'estomac, puis des régurgitations.
Au sein , les premières semaines, les tétées se font à la demande, mais la plupart des bébés réclament environ toutes les deux heures, en espaçant ensuite. Au biberon aussi, l'adaptation est progressive. Un nourrisson de 2 mois boit environ 5 biberons de 120 ml. À 3 mois, environ 5 biberons de 150 ml et à 5 mois environ 4 biberons de 210 ml. Rien n'empêche de passer à un lait épaissi "spécifique régurgitations", en cas de problème, uniquement sur avis médical
Doit-on faire roter bébé et incliner son lit ?
Il est toujours utile de faire faire un rot pendant et à la fin de la tétée, mais certains bébés rotent très peu et ne s'en trouvent pas du tout gênés. De la même façon, après leur repas, il est recommandé de les maintenir en position verticale ou dans un transat respectant la courbure de leur dos. Mais s'ils ont sommeil, il ne faut pas hésiter à les allonger. Attention, les régurgitations ne sont en aucun cas une contre-indication au couchage à plat sur le dos. Et aucune étude n'a encore prouvé l'utilité de surélever légèrement la tête du lit.
Quand faut-il s'inquiéter ?
Les reflux deviennent problématiques quand bébé pleure au moment de prendre le sein ou le biberon, s'arc-boute et s'arrête en pleine tétée. Ces signes d'inconfort peuvent faire soupçonner une œsophagite : l'acidité du reflux a entraîné une inflammation de la paroi de l'œsophage, d'où des douleurs. Le problème peut devenir gênant et perturber la prise de poids. Pour éviter qu'il ne s'aggrave, il faut compléter les mesures recommandées pour limiter les régurgitations par un traitement médicamenteux
Prescrit-on trop de médicaments contre le reflux des nourrissons ?
Les inhibiteurs de la pompe à protons ne sont pas dangereux et donnent de bons résultats en cas de reflux pathologiques confirmés. Seulement voilà, leur autorisation de mise sur le marché indique qu'ils ne devraient être prescrits que pour des œsophagites érosives (inflammation de l'œsophage), c'est-à-dire après avoir effectué une endoscopie, chez les enfants de plus de 1 an. Comme cet examen reste invasif et qu'il s'effectue souvent sous anesthésie générale, les médecins passent outre. D'où une polémique : ces médicaments se-raient trop prescrits...
Comment utiliser les traitements disponibles correctement ?
Les inhibiteurs de la pompe à protons doivent commencer à donner des résultats après 3 ou 4 jours. Si c'est le cas, le médecin prolonge l'ordonnance pour une durée maximale de 6-8 semaines, puis les doses sont diminuées progressivement sur une semaine jusqu'à l'arrêt complet. S'ils n'apportent aucun soulagement, il ne faut pas s'obstiner, mais soupçonner une allergie aux protéines du lait de vache. Et si tous les examens sont normaux, il faut, comme chez l'adulte, évoquer une sensibilité plus élevée que la moyenne à l'acidité. La prise d'un pansement digestif (type Gaviscon® ) est utile en attendant le passage à une alimentation solide et à une position verticale.
Quand maman fume, bébé régurgite
Le tabagisme passif n'agresse pas seulement les bronches : il perturbe aussi la digestion. Car la nicotine augmente le risque de reflux gastro-œsophagien en diminuant la tonicité du sphincter. Une raison supplémentaire de ne jamais fumer en présence de bébé ni dans les pièces où il vit.
RGO : trop de bébés traités inutilement
La société américaine de pédiatrie met en garde contre des prescriptions injustifiées pour soigner des reflux gastro-œsophagiens qui coûtent cher à l'Assurance Maladie.
Alors que seul 10% des bébés qui régurgitent souffrent d'un reflux gastro-oesophagien (RGO) pathologiques en France, 80% des médicaments prescrits sont inutiles selon une étude française publiée dans l’European Journal of Pediatrics.
Le problème, dans la plupart des cas, vient d'un mauvais diagnostic. Trop souvent, parents et médecins confondent des simples régurgitations qui arrivent après le biberon, au moment du rot , et les vrais symptômes d'un RGO pathologique, caractérisé par des renvois jusqu'à deux heures après le biberon, un œsophage irrité et des brûlures d'estomac.
C'est la société américaine de pédiatrie qui pointe le problème du doigt : trop de RGO physiologiques, et non pathologiques, sont surtraités alors que quelques simples mesures d'hygiène et de nutrition suffisent à résoudre ce problème . Souvent, il faut s'armer de patience : selon les médecins, 85% des reflux disparaissent lors des premiers pas du bébé.
Le professeur Frédéric Gottrand, coauteur de l'étude française sur le sujet publiée en décembre 2012, explique au Nouvel Observateur que "il faut parfois corriger certaines erreurs alimentaires. Ce sont souvent des bébés voraces, et plus ils mangent vite, et plus ils régurgitent. Pas de couches trop serrées, les mettre en position verticale 45 minutes après le repas…"
Entre autres, ces traitements inutiles ne sont pas forcément dangereux, mais coûtent cher à l'Assurance Maladie.