Maroc : 6 mois après la mort tragique d'un vendeur de poisson à Al-Hoceïma, l'indignation tourne au «séisme social»

Publié par DKnews le 06-05-2017, 16h14 | 37

Les manifestations se poursuivent et la colère des habitants du Rif marocain (nord) ne faiblit pas six mois après la mort tragique à Al-Hoceïma (nord du Maroc) du vendeur de poisson, Mohcine Fikri, broyé par une benne à ordure, rapportaient des médias vendredi.

«Ca dure, et le mouvement s'est étendu à toutes les communes de la province», observe un responsable associatif, cité par l'AFP.

L'indignation suscitée suite à la mort tragique de Mohcine Fikri a tourné au «séisme social» -selon la presse locale- dans cette région montagneuse enclavée sur la côte méditerranéenne.

«Cela fait six mois que nous résistons, malgré les embûches et les manoeuvres de l'Etat pour nous affaiblir. Et nous résisterons jusqu'à ce qu'il réponde à nos revendications sur le développement économique et social de notre région», promet Nasser Zefzafi, devenu au fil des rassemblements le leader de la contestation.

«Nos revendications sont économiques et sociales (...) Ils nous ont incité à émigrer vers l'Europe, ils tentent de monter les habitants contre nous, ils nous accusent d'être trafiquants de drogue. Aujourd'hui, ils disent que nous recevons de l'argent de l'étranger. S'il y a des preuves, qu'ils les sortent!», a-t-il dit.

«Depuis six mois, nos revendications sont claires, légitimes, dans le cadre de la loi: bâ ir des hôpitaux, des universités, des infrastructures, lutter contre les lobbys de l'immobilier, combattre la mafia du port de pêche...», a-t-il énuméré.

Des «fils de pauvres» dans la rue pour dire «Non à la tyrannie»

«Nous sommes des fils de pauvres, des gens simples sortis dans la rue pour dire non à la tyrannie. Nous ne demandons rien d'exceptionnel, juste la réhabilitation de notre région aujourd'hui complètement sinistrée». «Dictature», «tyrannie», «répression»... ces mots reviennent en boucle dans la bouche de M. Zefzafi et des jeunes qui l'entourent, selon les mêmes source.

Comme un leitmotiv, les militants dénoncent la «militarisation» de la région, selon des médias et des observateurs. D'abord en référence à la forte présence policière, ensuite pour exiger le retrait formel d'un décret royal de 1958 proclamant Hoceïma zone militaire, dont l'administration ne cesse d'assurer de son côté qu'il a été annulé en 1959.

La défiance est totale envers les autorités, qui «tentent de faire croire qu'elles dialoguent avec les habitants», comme les élus locaux, «corrompus et en qui nous n'avons plus aucune confiance», affirme encore Nasser Zefzafi, déplorant qu'«aucun dialogue n'a été engagé directement avec la mouvance populaire». Al-Hoceïma, dont le gouverneur a été limogé fin mars, a fait l'objet de visites ministérielles ces derniers mois, alors que l'Etat annonce l'accélération des projets de développement pour la  égion.

«Nous voulons des garanties noir sur blanc, des documents signés où l'Etat s'engage formellement à créer des usines, des écoles... pour le Rif et la province», a insisté Zefzafi. «L'Etat a essayé de gagner du temps. Mais le temps joue en notre faveur», souligne-t-il, prédisant pour bientôt «une marche d'un million de personnes».

A Al-Hoceïma, région souffrant déjà d'un enclavement naturel, est économiquement sinistrée, il y a eu les grandes marches rassemblant des milliers de personnes, dont la dernière date du 9 avril. Les fins de semaine annoncent désormais leur lot de rassemblements, que les forces de l'ordre encadrent immédiatement ou empêchent de se déplacer vers le centre de la ville.

A l'exception notable d'une marche lycéenne qui a dégénéré fin mars, les manifestations sont pacifiques. Avec toujours les mêmes demandes: du travail, des routes, des universités, des hôpitaux, des investissements...

«Les revendications de ces jeunes sont justes et légitimes, tout le Rif les soutient», estime Fayçal Aoussar, militant local de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH).