Irak/référendum sur l'indépendance du Kurdistan : Le vote se tient malgré l'opposion de Baghdad et la pression de la communauté internationale

Publié par DKnews le 25-09-2017, 16h49 | 28

Le référendum sur l'indépendance du Kurdistan   irakien se tient malgré l'opposition de Baghdad à cette initiative et son  rejet par la communauté internationale qui y voit un prélude à «l’effondrement du pays, voire même à d'autres crises dans toute la région déjà confrontée au phénomène du terrorisme».

Jusqu'à 3 million et 5000 Kurdes d'Irak ont commencé à voter lundi pour leur indépendance, lors d'un référendum historique qui devrait aboutir à la création d'un Etat. Le résultat de cette consultation ne mènera pas à une déclaration d'indépendance immédiate, mais marquera le début d'un processus de discussions avec Baghdad pour négocier entre autres les frontières du futur Etat.

Initié par le président kurde Massoud Barazani, le scrutin se tient non seulement dans la région autonome du Kurdistan au nord de l'Irak qui comprend les provinces d'Erbil, Souleymaniya et Dohouk, mais aussi dans les zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central.  

«Le partenariat a échoué avec Baghdad et nous ne reprendrons pas. Nous nous attendons à des réactions d'un coté ou de l'autre, mais nous en sommes arrivés à la conviction: quel que soit le risque et le prix, c'est mieux que d'attendre un sombre destin», a-déclaré M. Barazani à la veille du scrutin.

Cette consultation populaire se tient en effet dans un contexte de forte tension avec Baghdad, qui y est fermement opposé. Ces derniers jours, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi assurait encore qu'il prendrait les mesures nécessaires pour assurer l'unité du pays. La Cour suprême irakienne, la plus haute instance judiciaire du pays, a même annoncé la suspension du scrutin pour en examiner la constitutionnalité.  

S'il n'a pu empêcher la tenue du scrutin, le gouvernement irakien espère maintenir une forte pression économique sur le Kurdistan. Baghdad a demandé le 24 septembre à tous les pays de ne traiter qu'avec lui pour toutes les transactions pétrolières. Le Kurdistan produit en moyenne 600 000 barils par jour dont 550 000 sont exportés via Ceyhan, en Turquie.  

Opposition et menaces de la communauté internationale   

La décision des autorités du Kurdistan de tenir le scrutin s'est heurtée à l'opposition de la communauté internationale. L'ONU et la plupart des pays du monde dont les Etats-Unis, la Russie, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne sont contre le référendum, en premier lieu la Turquie.  
Ankara s'inquiète notamment de voir ses minorités kurdes suivre cet exemple, et ont menacé la région autonome de représailles.  

L'Iran qui n'a pas hésité à déclarer son opposition à la tenue du référendum menace de fermer sa frontière avec le Kurdistan.  

L’administration américaine avait milité auprès des autorités kurdes pour qu’elles reportent le référendum d’autodétermination, argüant que le moment est mal choisi, en raison de la lutte contre le groupe terroriste autoproclamé «Etat islamique» (EI/Daech) et de l’instabilité régionale.  

A juste titre, la sympathie de la communauté internationale en raison de le rôle des peshmergas dans la lutte contre Daech, n’a toutefois pas été suffisante pour obtenir d’appui international à la tenue de référendum, les risques géopolitiques régionaux étant trop importants pour que les grandes puissances ne s’engagent sur cette voie. Il n’est pas impossible, d'après les analystes, qu’un Kurdistan irakien indépendant naisse dans les prochaines années, mais dans l’état actuel des choses, il s’agirait d’»un Etat hautement instable».

Les enjeux internes et internationaux d'un divorce avec Baghdad  

Outre l’opposition de Baghdad à l’indépendance, d’autres points de divergence subsistent entre les deux gouvernements. Premièrement, les Kurdes sont considérés comme le ciment qui maintient le pays uni, en raison des tensions confessionnelles entre les deux autres plus importantes communautés, les populations arabes sunnites et chiites. Deuxièmement, les frontières d’un Kurdistan indépendant font l’objet d’âpres débats.

Un autre enjeu interne majeur au Kurdistan est celui des divisions internes. Depuis plusieurs décennies, la vie politique de la région est dominée par deux familles : les Barzani et les Talabani. La première famille domine le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), fondé par Moustapha Barzani (père de l’actuel président) en 1946, tandis que la deuxième domine l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), fondée par Jalal Talabani en 1975 (ce dernier en étant toujours le chef).  

En Irak, une certaine liberté a été accordée aux Kurdes, vivant dans le nord du pays, entre 1958 et 1961. En 1991, une relative autonomie au Kurdistan irakien avait été créée.

En 1992, les Kurdes irakiens élisent un gouvernement et un président. Cette autonomie des trois provinces kurdes sont ensuite renforcée en 2005, par la nouvelle constitution irakienne qui met en place un système fédéral.

Malgré un dialogue actif avec Baghdad, les points de tension entre Erbil et cette dernière demeurent nombreux et la forme que prendrait un Kurdistan indépendant est incertaine.  

Actuellement, les Kurdes irakiens disposent de leur propre parlement, où ils peuvent adopter leurs propres lois et contrôler plusieurs domaines. Or ce parlement régional a suspendu depuis plusieurs années ses activités en raison de profondes divisions entre les principaux partis de la région. Une crise économique sévit dans la région, le pouvoir ayant notamment du mal à payer ses fonctionnaires.  
La région du Kurdistan, riche en pétrole, a particulièrement souffert de la chute du prix du baril. L’engagement des forces kurdes contre Daech a été également extrêmement coûteux pour l’exécutif de la région.