69e anniversaire du génocide du 8 mai 1945 : Grand moment de recueillement et de souvenir, aujourd'hui à Sétif

Publié par Azzedine Tiouri. le 07-05-2014, 16h04 | 214

C’est dans le souvenir et le recueillement que la wilaya de Sétif et l’ensemble du pays commémoreront aujourd’hui le 69e anniversaire des massacres sanglants du 8 mai 1945 perpétrés par la soldatesque française. 69 années se sont écoulées après le génocide d’un certain mardi 8 Mai 1945 et Sétif se souvient encore et commémore l’évènement. 

Plus les années ne passent, plus les personnes ayant vécu ce drame disparaissent et avec eux, un pan de notre Histoire. Au fil des ans, leur nombre diminue. Ils témoignent pour l’Histoire afin de laisser des traces aux futurs générations pour que nul n’oublie les atrocités de cette sanglante journée, malgré que près de 70 années nous sépare de cette date restée à jamais gravée dans la Mémoire collective. A ce jour, peu de personnes ayant vécues ce drame sont toujours en vie.

Depuis, le devoir de mémoire a fait son travail auprès des jeunes pour ne pas oublier cette tragique période vécue par notre pays au moment où la France et ses Alliés célébraient leur victoire sur le nazisme hitlérien. A l’instar de toutes les villes algériennes qui ont vécu les massacres barbares du 8 Mai 1945 telles que Guelma et Kherrata ainsi que d’autres contrées, Sétif s’apprête à rendre aujourd’hui un vibrant  hommage à la mémoire de toutes les victimes. Chaque année, cette date anniversaire donne lieu à un recueillement et représente un moment solennel et émouvant d’évocation et de souvenir du martyre subi et des sacrifices consentis par le peuple algérien pour le recouvrement de la souveraineté nationale. 

Malgré le temps qui passe et les 69 années nous séparant de ce douloureux évènement, Sétif et ses environs, Ain Abessa, Amoucha, Ain El Kebira, El Ouricia, Béni Fouda, El Eulma, Béni Aziz et d’autres localités de la wilaya se souviennent encore et n’ont pas oublié ces massacres à ciel ouvert et en plein jour, les crimes sordides, les atrocités barbares subies par la population et le déchaînement de la haine de l’armée coloniale ainsi que  des colons contre d’innocentes victimes, des vieillards, des femmes et des enfants, en un mot contre tout un peuple où son seul tord est d’avoir manifesté pacifiquement pour ses droits légitimes pour le recouvrement de son indépendance afin d’aspirer à la liberté et à la justice au moment où les Européens et leurs Alliés célébraient la fin de la seconde guerre mondiale et leur victoire sur le nazisme hitlérien.

En ce jour de souk hebdomadaire du mardi 8 mai 1945, les citoyens de Sétif, Guelma et Kherrata et d’autres régions du pays n’ont fait d’une manière pacifique que clamer leur soif de liberté et d’indépendance. Tout a commencé le lundi 7 mai 1945 vers 15h30 lorsque la sirène de la victoire et de l’armistice avait retentit pour annoncer la fin de la Seconde guerre mondiale.

Un brin d’espoir s’est installé dans l’esprit des Sétifiens croyant que l’Algérie allait enfin elle aussi recouvrer sa liberté et son indépendance tant promises et tant attendues,  notamment après les engagements pris par les Alliés et la France de récompenser tous les peuples ayant combattu à leur coté le nazisme et le fascisme et parmi eux les pays africains sous domination coloniale.  

Selon certaines sources, ils étaient plus 150 000 Algériens à participer à cette guerre au coté de la France qui elle-même avait reconnu l’aide efficace apporté par, déclarait-elle à l’époque, ‘’ les valeureux et combattants algériens’’, dont une grande partie y ont laissé leur vie. La joie était en Europe et le malheur et les massacres réservés pour Algériens.

Réponse de la France par la terreur

Mais en ce jour du 8 mai 1945, la récompense était tout autre. Pour une manifestation pacifique, cette même France coloniale a répondu par la terreur et la bastonnade en commettant un crime contre l’humanité. Pour une demande des droits légitimes du peuple algérien, les responsables militaires du  pays des Droits de l’homme ont répondu par le massacre et l’oppression en installant l’horreur des jours durant après cette pacifique manifestation. La répression sauvage et aveugle se répandit vite à travers toutes les localités de la région de Sétif. On tuait et on massacrait à ciel ouvert sur tout ce qui était arabe et indigène. Ils faisaient sortir des citoyens de leur maison pour les assassiner devant leur progéniture. A Kherrata on jetait des êtres humains par camion entier depuis les gorges hautes de plus d’une centaine de mètres. Ce qui s’est passée à Sétif, la martyre l’a été aussi dans d’autres villes d’Algérie telles que Guelma où Kherrata où l’on a dénombré 45 000 morts d’hommes, de femmes et d’enfants. 
A Sétif, le premier martyr fut Saal Bouzid, un jeune scout de 23 ans, froidement assassiné par un commissaire de police, sous l’œil complice de ses collaborateurs, voulant à tout prix lui arracher de ses mains l’emblème national. Sachant que son petit drapeau, tissé la veille, allait être jeté à terre pour être piétiner, le jeune Bouzid s’y opposa farouchement au détriment de sa vie. Le policier dégaina alors son révolver et vida son chargeur sur le jeune scout qui avant de s’écrouler cria ‘’Tahya El Djazair’’ (Vive l’Algérie’’) résonnant pour longtemps dans les oreilles de ceux qui avaient vécu la tragédie. Il rendit l’âme avant d’atteindre l’hôpital de Sétif. Et c’est ainsi que débuta le carnage pour se terminer en bain de sang. 
Depuis ce jour, le peuple algérien avait compris que la seule alternative qui lui restait pour se libérer du joug colonial pour retrouver sa liberté et sa dignité, était la lutte armée. L’attente ne durera pas longtemps et neuf années plus tard éclata la grande  Révolution du 1er Novembre 1954 prise en main par des héros. Cela est une autre histoire de notre glorieuse Lutte armée reprise par tout un peuple et dont le sacrifice a été très lourd avec ses 1,5 millions de chouhadas. 
Ces sanglantes journées d’un certain mois de mai 1945 resteront à jamais gravées dans la Mémoire collective du peuple que nul n’effacera à jamais en la commémorant chaque année dans le souvenir et le recueillement. 

Le devoir de repentance de la France
Dans un autre registre, l’heure n’est plus uniquement à décrire ou relater les faits, bien connus de tous et commémorer cet évènement ne suffit plus, mais c’est surtout saisir cette occasion chaque année, s’il le faut pour rappeler à la France coloniale ses crimes impardonnables ainsi que son devoir de repentance 
Depuis ces douloureux évènements, à titre de rappel, la France n’a jamais voulu reconnaître d’une manière officielle, ces massacres du 8 mai 1945. Au moment où certains élus français et responsables politiques veulent occulter cette partie importante de notre histoire et continuent de pratiquer le déni et l’occultation, deux  ambassadeurs de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, le 27 février 2005, et Bernard Bajolet, en avril 2008, reconnaissent officiellement lors de leur déplacement à Sétif, la responsabilité de la France dans les massacres du 8 mai 1945. Hubert Colin de Verdière est allé jusqu’à se recueillir devant la stèle de Saal Bouzid située en plein centre ville à l’endroit où il fut assassiné. 
Mais ce qui est sûr, c’est que ces sanglantes journées d’un certain mois de mai ont relevé le niveau de conscience chez les Algériens qui pour comprendre que la seule alternative pour libérer le pays était la lutte armée contre l’occupant avec le déclenchement de la glorieuse Révolution de Novembre 1954. Toutes ces péripéties vécues par notre vaillant peuple resteront à jamais gravées en lettres d’or dans la Mémoire collective du peuple algérien que nul ne pourra effacer.   
A. T.