Michèle Riot-Sarcey: En France, il faut aborder "sans regimber" l'histoire de la colonisation

Publié par DK News le 09-11-2018, 16h31 | 5

En France, il serait "grand temps" de rompre avec la distillation "parcimonieuse" dans les programmes scolaires en envisageant d’aborder, "sans regimber", l’histoire réelle de la colonisation, a affirmé l'historienne Michèle Riot-Sarcey.

"Il ne suffit pas de mentionner le fait colonial, mais de rompre définitivement ce long silence ponctué de tentatives désastreuses d’enseigner les effets positifs de la colonisation", a-t-elle souligné dans une tribune publiée jeudi soir par Libération.

L'historienne, fondatrice en 2005 du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), appelle à mettre au jour les "multiples faits" de résistances qui "n’ont cessé de ponctuer le temps colonial", soutenant que "rompre le silence, n’est pas l’équivalent d’un prêche pour une réconciliation des mémoires (les mémoires ne se commandent pas)".

L'auteure du "Procès de la liberté" (La Découverte, 2016) et coordinatrice de l’ouvrage collectif "De la catastrophe" (éd. du Détour, 2018), plaide pour que les élèves reçoivent des comptes rendus d’une "conflictualité dans le temps long des insurrections et des résistances".

"En effet, quel que soit son âge, l’élève a besoin de référence positive à laquelle il peut s’identifier", a-t-elle dit, relevant que les années de silence "ne peuvent être compensées par la reconnaissance tardive et sélective des morts sous la torture".

Selon elle, les héritiers des victimes du massacre du 17 octobre 1961 des Algériens à Paris, "événement à propos duquel on a tant tardé à dévoiler la part maudite de la police française et donc de l’Etat", réclament "la reconnaissance d’un combat juste".

"Comment ont-ils pu réagir aux déclarations récentes d’Emmanuel Macron sur la vérité de la mort de Maurice Audin ? Combien sont-ils encore à attendre ce dévoilement si parcimonieux ? Des milliers selon les historiens", a-t-elle expliqué, rappelant qu'avant eux, Jean-Luc Einaudi, "peu apprécié" par l’Académie, avait révélé la pratique "illégale" de l’armée française.

"La mémoire du passé, on le sait, est moteur d’histoire, rendre accessible et visible les stigmates de celui-ci est de la responsabilité de tous pour éviter de nourrir les ressentiments", a-t-elle dit, appelant à réviser l’esprit des programmes scolaires en France. "Or, si nous voulons accorder justice à tous ceux et celles qui attendent en vain une prise en compte de leur histoire, c’est-à-dire la nôtre, il serait bon de réviser l’esprit des programmes scolaires qui relègue à la marge cette part éminemment nationale du passé", a-t-elle soutenu.