Santé

Modifier l'ADN une réalité possible, pour le meilleur... et pour le pire ?

Publié par Dk News le 14-04-2019, 16h12 | 3
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Une nouvelle méthode biologique permet désormais de modifier l'ADN très précisément, en ciblant un gène spécifique. Si certains chercheurs y voient une avancée majeure pour la recherche sur les maladies génétiques, d'autres mettent en avant un danger éthique de taille. Explications.

Une méthode qui révolutionne la biologie moléculaire

Modifier les gènes et leur expression comme on joue au Lego, c'est désormais un jeu d'enfant, ou presque. Depuis 2012, une nouvelle méthode appelée CRISPR-Cas9 révolutionne la génétique. Derrière cet acronyme imprononçable (CRISPR pour « Clustured Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ») se cache une grande avancée dans le domaine de la biologie moléculaire, mise au point par l'Américaine Jennifer Doudna et la Française Emmanuelle Charpentier.

Le principe est simple : il s'agit, grâce à une enzyme appelée Cas9, de découper un brin de la double-hélice d'ADN de nos cellules, pour désactiver ou corriger l'expression d'un gène, ou même d'ajouter un gène d'intérêt. Grâce à ce nouvel outil très précis, cibler n'importe quel gène pour le modifier n'a plus rien de sorcier. A loisir, les chercheurs peuvent « allumer » ou « éteindre » l'expression d'un gène selon ce qu'ils veulent obtenir. En théorie, il serait donc possible de désactiver ou d'activer une maladie génétique, de protéger de la maladie d'Alzheimer ou de doter l'individu de caractéristiques plus avantageuses.

« Jusqu'alors, on utilisait un virus, mais l'on ne choisissait pas l'endroit exact où le virus allait insérer le bout d'ADN que l'on voulait intégrer » au génome, explique Karine Rossignol, co-secrétaire générale de l'Institut des maladies génétiques Imagine. « Désormais, cette enzyme reconnait l'endroit où agir».

Un « gros coup d'accélérateur » pour la recherche sur les maladies génétiques

« L'intérêt de cette méthode-là, c'est qu'elle permet de gagner un temps précieux lorsque l'on crée des modèles animaux, avec un rendement bien meilleur », explique Karine Rossignol, qui précise que cette nouvelle technique sera bientôt mise en place au sein des laboratoires de recherche de l'Institut Imagine. Au lieu de 3 à 5% de rendement, cette approche aboutit à un rendement de 75 à 85 %, nous assure la spécialiste.

Pour trouver des approches thérapeutiques à des maladies génétiques, les chercheurs et cliniciens de l'Institut Imagine reproduisent les maladies génétiques en question sur des modèles animaux, qui deviennent donc génétiquement modifiés. La souris, la drosophile ou le poisson zèbre sont les modèles prédominants. Avec la méthode CRISPR-Cas9, les chercheurs gagnent « un temps précieux pour créer les modèles animaux et donc aboutir à un traitement thérapeutique », assure Karine Rossignol. « Il est donc beaucoup plus facile de comprendre le mécanisme impliqué derrière le ou les gène(s) en question. » Puisque les gènes induisent la création de protéines essentielles au fonctionnement des cellules, la modification du gène conduit à une protéine modifiée ou absente. Les scientifiques peuvent alors voir ce que ce changement induit et trouver un moyen thérapeutique de neutraliser ou de substituer cette protéine défaillante.

Si la méthode semble très prometteuse, elle ne permet pas forcément de travailler sur toutes les maladies génétiques. « On arrive à recréer la plupart des maladies génétiques, mais pas toutes », avoue Karine Rossignol. « Certains syndromes autistiques, avec 280 gènes impliqués par exemple, sont difficiles à reproduire sur le modèle animal. Le plus simple c'est avec les maladies monogéniques, où un seul gène est mis en jeu. » Malgré tout, cette nouvelle technique offre « de nouvelles perspectives pour aller plus vite dans la compréhension des maladies et la création de médicaments », ce qui permet « un gros coup d'accélérateur » pour la recherche, s'enthousiasme la spécialiste.

Une communauté scientifique qui appelle à la prudence

Bien que prometteuse pour la recherche, la technique CRISPR-Cas9 serait à manier avec des pincettes. En effet, puisque l'on peut modifier l'ADN à loisir, pourquoi ne pas modifier le génome de nos propres cellules germinales (spermatozoïdes et ovules) pour créer un bébé « parfait » ? L'eugénisme à grande échelle à la manière du film futuriste Bienvenue à Gattaca ne serait donc pas si loin...

D'après Le Monde, certaines équipes de recherche se seraient déjà lancé dans l'aventure, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Chine.

Face à ce danger éthique, un collectif de 18 chercheurs a publié les 12 et 19 mars deux mises en garde dans les prestigieuses revues scientifiques Nature et Science. Ils appellent à la tenue d'un grand sommet et à l'imposition d'un moratoire des essais cliniques sur l'homme. « Nous voulons avertir les gens que c'est désormais facile [de modifier les gènes des cellules] » écrit le prix Nobel de médecine David Baltimore dans la revue Science. Par le passé, « c'était tellement compliqué » que « personne ne pouvait vraiment le faire. »

Car si l'Europe possède de puissants garde-fous, ce n'est pas le cas de tous les pays du monde. Pour les 28 pays de l'Union européenne, la convention d'Ovedio stipule clairement qu' « une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise [...] seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance. »

Pour éviter une mutation entraînant une maladie grave sur l'embryon, le diagnostic préimplantatoire avant la fécondation in vitro reste la méthode privilégiée.

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