
Les descendants d'immigrés nord-africains de deuxième génération en France meurent plus tôt, a révélé jeudi une étude sur les niveaux de mortalité entre 1999 et 2010.
Cette étude, publiée par l'Institut national des études démographiques (INED), indique que les enfants nés en France de parents venus du Maroc, d'Algérie et de Tunisie, souffrent de surmortalité et meurent donc plus jeunes que les autres, à l'inverse de leur parents.
«Parmi les pays de l’Union européenne de plus d’un million d’habitants, la France est le pays qui compte la plus grande population de descendants d’immigrés de deuxième génération, tant en termes absolus que relatifs.
En 2014, la population d’individus nés en France avec au moins un parent immigré représentait 9,5 millions de personnes, soit 14,3 % de la population totale», ont expliqué les auteurs de l'étude Michel Guillot, Myriam Khlat et Matthew Wallace.
En raison de l’histoire de l’immigration en France, la population de deuxième génération est, aujourd’hui, «vaste et diversifiée» : les régions d’origine les plus représentées sont l’Europe du Sud (Portugal, Italie ou Espagne) et l’Afrique du Nord (Algérie, Maroc ou Tunisie), chaque région représentant un tiers environ, le dernier tiers comprenant un ensemble très diversifié de pays d’origine des parents, notamment des pays d’Afrique subsaharienne, d’Europe et d’Asie, précisent-ils.
L'étude mentionne que si les inégalités en matière de niveau scolaire, d’emploi et de revenu des descendants d’immigrés de deuxième génération d’origine non européenne sont bien documentées, aucun travail de recherche ne s’était intéressé jusqu’alors aux disparités dans le domaine de la mortalité.
Les auteurs ont travaillé sur un échantillon représentatif en France de 380.000 personnes âgées de 18 ans et plus en 1999 et exploité un suivi de la mortalité au moyen de registres de décès appariés jusqu’en 2010.
Dans leur recherche, ils ont comparé les niveaux de mortalité des descendants d’immigrés de deuxième génération âgés de 18 à 64 ans et originaires d’Europe du Sud et d’Afrique du Nord avec ceux de leurs homologues immigrés de première génération et avec ceux de la population de référence (personnes nées en France de deux parents eux-mêmes nés en France).
A cet effet, ils ont découvert une surmortalité «importante» chez les hommes d’origine nord-africaine.
Alors que la probabilité estimée de décès entre 18 et 65 ans s’élève à 162 pour 1.000 pour les hommes de la population de référence, elle est 1,7 fois plus élevée pour les hommes nés en France de deux parents immigrés d’Afrique du Nord (276 pour 1.000), ont-ils constaté Les résultats concernant les femmes ne relèvent pas de différences statistiquement significatives par rapport à la population de référence sauf pour les femmes immigrées de première génération d’origine sud-européenne qui bénéficient d’un avantage en matière de mortalité similaire à celui des hommes, ont-ils ajouté, relevant que le statut de deuxième génération d’origine maghrébine est une source «importante» de disparité de santé.
Les auteurs de l'étude avertissent que les raisons de la surmortalité chez les hommes d’origine maghrébine de deuxième génération sont «plus difficiles à identifier» en raison du manque de données notamment sur les comportements liés à la santé et les causes de décès.
«En ce qui concerne les facteurs tels que le statut socio-économique, les résultats suggèrent que cette surmortalité ne s’explique pas simplement par les différences de niveau d’éducation, mais par un vaste ensemble de désavantages, notamment sur le marché du travail et sur le niveau des revenus», ont-ils précisé, se basant sur des études qui ont montré que la perception de la discrimination sur le marché du travail est «plus répandue» dans la deuxième génération que dans la première génération d’immigrés de même origine, «ce qui peut avoir un impact négatif sur la santé».
Pour eux, ces premiers résultats en matière de mortalité montrent que les nombreux «désavantages» auxquels font face les hommes d’origine nord-africaine de deuxième génération en France «comportent une dimension de santé publique importante et inconnue jusqu’ici».