Régions

Tizi-Ouzou : Takoucht, un village rasé pour avoir soutenu la Révolution

Publié par DK NEWS le 04-07-2021, 18h09 | 37
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Takoucht, un des grands villages de Bouzguène (Tizi-Ouzou), est parmi les nombreux villages martyrs de la wilaya III historique qui ont été totalement rasés par l’armée coloniale française durant la guerre de libération nationale, selon les témoignages recueillis par l’APS, auprès de ses habitants.
N’arrivant pas à mater la résistance des habitants de Takoucht qui se sont engagés entièrement pour la Révolution, en renforçant les rangs de l’Armée de libération Nationale (ALN) et en fournissant renseignements, gîte, nourriture et autres moyens logistiques aux moudjahidine, l’armée coloniale a décidé de punir la population en les chassant du village et en rasant et brûlant ce dernier.
Les vieux du village se rappellent encore du jour où les habitants ont été contraints de quitter leurs maisons n’emportant avec eux que le strict minimum pour une vie en sursis dans les villages voisins. "C’était le 17 juin 1958. Un délai de 36 heures nous a été donné pour quitter les lieux. Nous avons fui, chacun de son côté, vers les villages voisins où des proches nous avaient hébergés jusqu'après l’i ndépendance", raconte un vieux rencontré à Takoucht, la veille du 5 juillet, fête de l'indépendance et de la jeunesse.
Les villageois se rappellent aussi des "Avions jaunes" qui passaient au-dessus de leurs têtes, en direction de Takoucht qu’ils venaient de quitter précipitamment. A peine les fameux avions, arrivés sur place, qu'un bruit d’enfer se faisait entendre et dans un désarroi total ils devinaient approximativement, en fonction de la position du bombardier dans le ciel, quel quartier venait d’être détruit. Des colonnes de fumée étaient visibles de loin, témoignant de l’ampleur des dégâts, se souvient-on encore. Le crime des villageois était d’avoir offert leur soutien au moudjahidine, d’ailleurs la maison de la famille Yahoui avait joué un rôle important durant la guerre de libération en servant de refuge aux maquisards. "Après chaque opération dans les environs, les moudjahidine venaient ici pour se reposer et se nourrir. Le colonel Amirouche y ait souvent passé avec ses hommes", a-t-on appris des villageois.
C’est aussi dans cette maison qu’un soldat français qui a été fait prisonnier lors d’une grande bataille à Tanaimt au village At-ferrache (Bouzguène), ou l’ALN a infligé de lourdes pertes à l’armée coloniale, a été emmené et détenu, avant d’être transféré ailleurs, témoigne -t-on. Il s’agit du caporal Paul bonhomme, capturé lors de cette bataille qui avait eu lieu le 30 août 1957 sur la piste reliant Bouzguène à Houra, au lieu-dit "carrefour des généraux ", lors d’une embuscade tendue au convoi de la 4eme compagnie du 27eme bataillon des chasseurs alpins (BCA) par une centaine de moudjahiddine équipés d’armes automatiques et de lances-grenades, postés des deux côtés de la piste que devait emprunter le convoi ennemi.
"Lors de la bataille de Tanaimt, les moudjahiddine avaient fait prisonnier un soldat français qu’ils ont ramené avec eux ici et nous ignorions qui il était. Pendant ce temps, l’armée coloniale envoyait des patrouilles à sa recherche. La quête de renseignements dans les villages des alentour a été infructueuse. La population acquise à la guerre de libération est restée muette et insensible face aux menaces du colonisateur ", selon les témoignages de villageois.
Un musée pour témoigner des atrocités du colonialisme 
Pour permettre aux générations qui n’ont pas connu la guerre, d’avoir un aperçu sur les atrocités vécues par les habitants du village Takoucht, l’artisan Bouaraba Mahmoud, a réalisé un musé historique au sein du village, afin d’y exposer l’arsenal militaire utilisé par l’armée coloniale contre le peuple algérien. Bouaraba a l ui-même reproduit les armes de l’époque, y compris l’aviation française dont les redoutables "avions jaunes", des bombardiers qui ont été utilisés le 17 juin 1958, pour raser le village Takoucht. "Je veux que les jeunes générations aient une idée de ce que leurs aïeux ont subit sous le joug du colonisateur français et comprennent qu’en dépit d’un armement lourd, l’aspiration du peuple algérien à vivre libre et indépendant dans leur pays, était plus forte que l’impressionnant arsenal militaire de la quatrième puissance mondiale. Cette partie de l’histoire ne doit jamais être oubliée", a-t-il dit. Dans un autre musée du village, qui était l’ancienne Tajemaat réhabilitée, inauguré en août 2008 par la direction de la culture, une énorme jarre qui servait à cacher la nourriture pour les moudjahidine durant la guerre, témoigne du soutient que fournissait les villageois aux maquisards, a-t-on appris de l’association Aghendjour (nom de la forêt qui borde Takoucht et de la source d’eau qui l’alimente).
Ce grand vase en argile, appelé Akoufi en kabyle, était complètement enterré sous terre dans la mosquée. On y mettait de la nourriture, destinée aux moudjahidine et après l'avoir rebouché on y mettait un tapis dessus. Cette poterie, qui a échappé aux bombardements de 1958, a été récupérée par les vil lageois après l’indépendance à leur retour à Takoucht et l’ont jalousement préservé avant de la placer dans le musée. Pendant la guerre de libération nationale, 75 moudjahidine de Takoucht sont tombés au champ d’honneur. Une stèle a été érigée en leur mémoire au niveau du village. Deux années après l’indépendance, en 1964, les familles qui résidaient à Takoucht sont revenues chez elles découvrant un village détruit. Takoucht était une plaie béante qui leur rappelait l’atrocité d’un colonialisme qui brûlait les villages dans une vaine tentative d’affaiblir la Révolution et entamer l’engagement des populations et leur soutien aux moudjahidine.
Le village fut totalement reconstruit, patiemment, pierre par pierre avec ses ruelles et sa Djemaa, à la sueur du front de ses enfants, qui s’étaient mis à la tâche pour recréer la communauté et la mémoire collective et Takoucht renaît de ses cendres.
 

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