Culture

Kamel BELLATRECHE : «La scénographie est d’abord un art avant d’être un métier»

Publié par Djamel BOUDAA le 27-12-2021, 15h57 | 121
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Dans un entretien accordé à DK News, le scénographe Kamel BELLATRECHE parle de la scénographie, qu’il considère plus comme un art que comme un métier tout en évoquant son parcours et le travail effectué dans le cadre du tournage du film « La montagne de Baya » du cinéaste Azzedine MEDDOUR. 

DK News- La scénographie était-ce un choix ?

lllKB - Quand j’ai terminé mes études à l’Ecole nationale des Beaux-arts d’Alger, je me suis inscrit aux Arts déco à Paris et entre- temps je devais travailler au Centre algérien pour l’art et l’industrie cinématographique (AAIC) et il y avait des bourses de formation en URSS, dans le cadre de la coopération. Ces bourses étaient attribuées par l’intermédiaire de l’Ecole nationale des Beaux-arts qui sélectionnait les candidats, majors de promotion. Nous étions deux à être envoyés pour poursuivre des études dans ce pays ami, une collègue et moi, nous devions faire la spécialité scénographie. Ma collègue a changé d’avis et fait des études de critique d’art et moi j’ai fait scénographie. A l’Ecole nationale des Beaux-arts, j’avais suivi la spécialité Décoration d’intérieur. Avant de partir en URSS, on projetait à Alger le film russe « Moscou ne croit pas aux larmes », écrit par Valentin Tchermykh et réalisé par Menchov. Ce film, produit en 1980, m’a « emballé », je l’ai vu quatre ou cinq fois. Et c’est ainsi que je suis              « tombé amoureux » de l’URSS.

DK News- Comment se passaient la réalisation des Story Board (appelé aussi scénarimage , montage de dessins réalisé avant le tournage pour visualiser les plans d’une séquence cinématographique) pendant les études en URSS?

lllKB - On me donnait à lire un livre de la grande littérature russe et on me demandait d’imaginer un Story Board. On lisait un livre par an. Pendant mes cinq ans d’étude en URSS, j’ai lu des livres de grands maîtres de la littérature russe mais je me suis basé sur cinq ouvrages.  Ce sont trois œuvres d’Alexandre Pouchkine (06/06/1799- 10/02/1837), à savoir les nouvelles « La tempête de neige », « Le coup de pistolet » et « Le marchand de cercueils », le célèbre roman de Fiodor Dostoïevski (11/11/1821-09/02/1881) « Crime et châtiment » et la non moins célèbre œuvre de Léon Tolstoï (28/08/1828- 07/11/1910) « Guerre et Paix ». Une fois, les livres lus, on visualise les scènes.

DK News - Etant étudiant, sur quel Story Board avez-vous travaillé?

lllKB - j’ai travaillé sur « Tempête de neige » de l’écrivain célèbre Pouchkine. C’était ma première expérience.

DK News – Et comme thème de votre thèse ?

lllKB - Comme thème de ma thèse, j’ai choisi « Ghardaïa ». En 1982, je travaillais comme guide et je suis tombé amoureux de cette ville. C’est fantastique. Quand j’ai montré les photographies à mon professeur russe, il a aimé et m’a encouragé à les réaliser en peintures. C’était du vrai réalisme avec une touche artistique, bien sûr. Il fallait faire des études des costumes de 1800 1900. Pour la recherche documentaire, j’allais à l’ex Centre culturel français (actuel Institut français d’Alger) et à la Bibliothèque Nationale. A l’époque il n’y avait pas d’internet pour se documenter. Donc, il fallait se déplacer.

DK News- Et après vos études en URSS ?

lllKB - A l’issue de mes études, j’ai obtenu un magister en scénographie et je suis rentré en Algérie. Comme le CAAIC a été dissous, je suis resté en chômage pendant six mois. J’ai ensuite intégré la Télévision nationale, c’était en 1992 et j’ai été détaché comme scénographe pour le film « La montagne de Baya » de Azzedine Meddour, un grand cinéaste à qui je rends un hommage appuyé. D’abord, j’ai lu le scénario. Il fallait « rentrer » dans le temps. C’était un film qui parlait de l’époque 1890-1900.  C’était un film historique. Il fallait comprendre le scénario. La première étape consistait à faire des repérages des lieux où étaient prévues les scènes. Une fois qu’on est tombé d’accord sur les repérages, j’ai commencé à prendre des photos. Parfois je faisais des esquisses sur place. Une fois que j’avais la matière, c’est-à-dire les dessins des costumes, le repérage des lieux et les photographies, j’ai commencé à dessiner mon Story Board. On fait plusieurs études pour la même scène et on discute ça avec le réalisateur. On peut faire jusqu’à dix esquisses pour qu’on tombe d’accord. Mais généralement, on en fait au maximum cinq ou six et puis on réalise l’aquarelle.

DK News-  Cela a demandé aussi un travail de recherche documentaire ?

lllKB - La documentation demandait cinq à six mois, il fallait accélérer, travailler jour et nuit.

DK News- Ce film vous a pris combien de temps ?

lllKB - Le film « La montagne de baya » m’a pris deux années et demie. S’il y avait avec moi une équipe comprenant un costumier, un vrai, un gars du métier, un historien et un dessinateur j’aurais réalisé le travail en six mois.

DK News- Que vous a apporté ce film ?

lllKB - « La montagne de Baya» était pour moi une expérience formidable. 

DK News- Et après « La montagne de Baya » ?

lllKB - Après « La montagne de baya », j’ai réintégré la Télévision nationale. J’ai eu un poste de chef de service décoration que j’ai géré pendant quatre ans et pendant quatorze ans, je suis chef de département scénographie. En parallèle j’ai travaillé sur des Story Boards  notamment pour une émission de variétés consacrée aux chanteurs targuis, c’était dans les années 2010, c’était pour un ami.

DK News- Quelles sont les qualités d’un scénographe ?

lllKB - Il faut d’abord savoir dessiner. Si vous n’avez pas le don du dessin, vous ne pourrez pas être scénographe. Il faut avoir aussi de l’imagination et l’esprit créatif.  Un scénographe doit avoir également beaucoup de sensibilité. Pour tout film, le scénographe est indispensable. C’est un historien de l’image. Un scénographe gère la composition de l’image. Il y a des gens qui ne font pas de différence entre scénographe et décorateur. Un décorateur ne peut pas faire le travail d’un scénographe.  La scénographie est d’abord un art avant d’être un métier. Dans ce domaine, on apprend toujours car la scénographie évolue. 

DK News- Le scénographe est un artiste?

lllKB - Le scénographe est un artiste silencieux. Un artiste peintre peint et expose, un scénographe dessine pour lui-même. Moi, je dessine tout le temps, je fais des esquisses, j’imagine toujours des scènes. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à l’artiste peintre Mustapha Adnane qui m’a appris à maîtriser le dessin. Mon premier dessin, c’était avec du charbon. Un jour, Mustapha Adnane m’a dit : « Le jour où tu maîtriseras le charbon, tu maîtriseras le fusain et le crayon », j’ai fait un stage pratique d’une année de dessin. Il y a beaucoup de gens qui se cachent derrière l’abstrait parce qu’ils ne savent pas dessiner.

DK News - Vous aimez aussi l’aquarelle?

lllKB - L’aquarelle c’est mon choix car je peux travailler au crayon. En Russie, je travaillais beaucoup l’aquarelle et le pastel. Je maîtrisais bien sûr la peinture mais avec l’aquarelle je me sentais plus libre.

DK News-  A part le dessin et la peinture, avez-vous une autre passion ? 

lllKB - Collectionner des photographies est mon autre passion. J’achète toujours des photographies anciennes. « La montagne de Baya » m’a appris qu’il faut avoir le maximum de documentation photographique. J’ai environ deux milles photographies de costumes. J’ai des photos de plusieurs régions du pays, notamment d’Alger, de Ghardaïa, de Sétif, de Blida…Je sais qu’il viendra le jour où j’en aurai besoin. Si j’ai un film dont l’histoire se situe dans les années 1900, au moins j’ai des cartes postales des costumes. Je ne vais pas faire une étude qui me demandera un an ou deux. Les costumes, c’est un trésor. Un scénographe doit connaître les costumes.

DK News- Quels sont vos projets dans un avenir proche?

lllKB - Je prévois une exposition consacrée uniquement à la scénographie. Ce sera une première en Algérie. Le 31 janvier 2022, j’expose avec mon épouse en duo « Voyageons ensemble » une exposition à Alger, la Kabylie, Constantine. Mon épouse exposera sa collection intitulée « l’Algérie et moi », pour ma collection, ce sera des œuvres à l’huile où je vais « marier » l’abstrait et le figuratif. Ce sera une première pour moi. Ça va être des couleurs aussi. Parallèlement je vais faire un Story Board. Dernièrement un écrivain m’a offert un livre et je vais faire un Story Board .

 

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