L’historien Gilles Manceron a considéré que le récit apporté par le journaliste Jean-Charles Deniau dans son livre «La vérité sur la mort de Maurice Audin», paru aux éditions des Equateurs, rapportant les aveux posthumes de Paul Aussaresses sur les circonstance de l’assassinat du militant anticolonialiste, Maurice Audin, «semble crédible» et que la version donnée par ce tortionnaire apparaît comme «vraisemblable».
«Le récit de ce journaliste semble crédible et la version donnée finalement par Aussaresses apparaît comme vraisemblable. Le fait que l'ordre de tuer soit venu du général Massu pourrait expliquer le long silence de l'armée et des autorités françaises sur cette question», a-t-il déclaré dans un entretien à l’APS.
Pour l’historien, l’intérêt de ce livre est de «rendre publique» la version de la mort de Maurice Audin que l'auteur a pu obtenir de «ce général tortionnaire, Paul Aussaresses, peu avant sa mort, à la suite à de nombreux entretiens». «Jusque-là, a ajouté Gilles Manceron, Aussaresses refusait d'en parler, affirmait ne rien savoir ou bien proférait différents mensonges. Finalement, il a dit que la mise à mort de Maurice Audin avait été ordonnée par le général Massu qui commandait les parachutistes chargés de la répression à Alger, expliqué qu'il avait été chargé de l'organiser et indiqué quels avaient été les exécutants».
Il a considéré, aussi, qu'«il est vrai, comme le dit la famille de Maurice Audin, qu'Aussaresses n'a cessé de mentir». «A-t-il voulu, au moment où il savait qu'il allait bientôt mourir, décharger sa conscience en relatant les choses telles qu'elles se sont déroulées ? On ne peut pas en être certain», a supposé l’historien qui souligne que l'auteur de ce livre raconte comment il a mené son enquête pour parvenir à lui faire livrer, peu à peu, des informations.
A propos de la contribution des historiens pour appuyer les conclusions de cette enquête, Gilles Manceron, a estimé qu’il s’agit aujourd’hui de tirer parti des archives écrites des autorités civiles et militaires françaises de l'époque.
«Même si la torture et les exécutions sommaires faisaient rarement l'objet de documents écrits, il est possible que des choses aient pu être notées qui donnent des indications précieuses», a-t-il soutenu. Il a relevé aussi que les «archives du ministre résident Robert Lacoste, les éventuels carnets personnels des protagonistes contiennent peut-être des éléments. Et aussi, la mémoire de tous les acteurs de ces épisodes doit être aussi recueillie, en croisant et en recoupant les témoignages».
Les doutes de la veuve de Maurice Audin
A propos des doutes exprimés par la veuve de Maurice Audin quant à la véracité des confessions du tortionnaire Aussaresses et sur l’appel qu’elle lance à la France pour condamner la torture et les exécutions sommaires perpétrées en Algérie durant la période coloniale, l’historien estime qu’il est «très compréhensible qu'elle ait protesté contre le fait de n'avoir pas été tenue au courant de cette enquête et de ce livre».
«Elle a émis des doutes sur son contenu, car on ne peut faire confiance à ce tortionnaire qui a toujours menti. Mais un menteur peut dire quelquefois la vérité sur un épisode précis. Quoi qu'il en soit, elle a raison de demander que la France reconnaisse et condamne la torture et les exécutions sommaires perpétrées en Algérie durant la période coloniale», a ajouté M. Manceron.
Concernant l’hypothèse que cette condamnation puisse un jour être exprimée alors que l’armée française campe, depuis plus de 50 ans, sur sa version «officielle», l’historien a affirmé que cette condamnation «pourra non seulement voir le jour, mais il est inévitable qu'elle intervienne un jour», ajoutant que «les autorités civiles et militaires peuvent retarder ce moment, mais elles seront bien obligées de revenir sur leurs versions officielles mensongères».
«Il faut montrer l'urgence et hâter le moment de cette reconnaissance et de cette condamnation. C'est un enjeu impérieux pour les citoyens français qui souhaitent que leur société parvienne enfin à sortir du colonialisme», a soutenu l’historien.