Pour avoir eu l’insigne honneur de participer à différentes sessions du Conseil exécutif de l’Unesco dans la prestigieuse proximité de Si Abdelatif Rahal, je souhaiterais évoquer, en la douloureuse circonstance de sa disparition, quelques résonances de l’humaine ampleur de cette attachante personnalité à l’humilité personnifiée.
D’un abord très simple bien que lesté de cette aura des hautes responsabilités exercées au niveau des institutions algériennes de l’Etat, Si Abdelatif avait, par son comportement attentif et attentionné à l’égard d’autrui, ce rare goût de l’altérité tant apprécié au sein de l’emblématique maison de la diversité qu’est l’Unesco ou l’Algérie bénéficie à ce jour-grâce à sa vision éclairée et éclairante des grands enjeux éducatif, scientifique et culturel de l’amitié des autres Délégations permanentes et plus particulièrement de celles des pays en développement dot il portait la parole, avec conviction et engagement, lors des différentes et ardues négociations multilatérales.
Au Conseil exécutif de l’Unesco, ces interventions étaient remarquables et remarquées en ce qu’elles étaient portées par le souffle de l’université des valeurs de liberté, de justice et de dignité humaine.
A travers le discours d’universalité, il promouvait, avec subtil talent, la perception d’une Algérie moderne et ouverte sur le monde ; une Algérie partie prenante aux débats internationaux ; une Algérie au cœur de la médiation pour la paix et la sécurité ; une Algérie dont chaque algérien, épris de son pays, doit se sentir fier d’appartenir, cœur et âme liés.
Dans les relations de travail, Si Abdelatif se distinguait par une flexible rigueur dans la préparation des dossiers thématiques du Conseil exécutif. Il ne mettait jamais la pression sur les membres de la Délégation pour leur permettre de libérer toutes les qualités de leur potentiel.
Il s’inscrivait plutôt dans une démarche féconde d’accompagnement dans l’esprit des fondamentaux diplomatiques, conscient de l’importance de la transmission et de la nécessité de maintenir, avec excellence, la pérennité du statut et du rang de l’Algérie au sein de l’Unesco, vigie de la vive conscience du monde et haut lieu de l’alliance solaire des cultures en dialogue.
De par sa vocation de passeur, il présentait les enseignements des stratégies diplomatiques avec une belle pédagogie par laquelle il transmettait savoureusement ce qu’il savait mais plus humblement ce qu’il était, un homme d’engagement et de fidélité à l’Algérie chevillée au cœur. Un homme de dévouement dont l’intelligence de cœur et d’esprit incite à plus d’humilité et de retrait quand l’essentiel est d’éclairer plutôt que de briller.
La position de surplomb était de lui inconnue. Il partageait fructueusement ses analyses, ses réflexions, ses doutes mais surtout ses espoirs sur l’évolution de telle ou telle question. Sollicitant constamment le point de vue pour construire l’argumentaire de la position nationale, il arrivait à créer, au sien de la Délégation, un véritable climat de saine émulation et de perpétuel enrichissement.
Avec si Abdelatif, chaque session du Conseil exécutif apparaissait comme la première, car il arrivait, toujours, avec une fraîcheur de pensée renouvelée qui obligeait les membres de la Délégation à des efforts pour être au diapason de son exigence.
Homme de la pratique discursive par excellence, il se distinguait par le style du stylet, considérant que chaque mot doit être pesé et soupesé au trébuchet de ma nuance ouvragée pour libérer pleinement la puissance du verbe juste qui illumine la beauté des justes causes.
Féru de sémantique supérieure, il aimait à souligner que par la seule force du verbe, les hommes peuvent se saisir du destin et influer sur l’avenir. Pour l’avoir observé, il dirigeait d’un jet, de sa calligraphie déliée, ses fluides discours d’une profonde maturité politique et intellectuelle, imprégné qu’il était de cette vision limpide des intérêts de l’Algérie dans l’articulation complexe des enjeux et défis du monde.
Intarissable sur les vertus de la paix, il aimait à rappeler, avec constance, l’incandescent exergue de l’acte constitutif de l’Unesco qui souligne que «les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix».
Durant la mandature de M. Federico Mayor à la Direction générale de l’Unesco, Si Abdelatif avait eu une contribution substantielle et décisive, reconnue par tous, dans l’initiation et la consécration de l’axe programmatique novateur de Culture de la paix comme ensemble de valeurs et de comportements pour promouvoir la paix par le dialogue, la réconciliation, l’acceptation, la compréhension et la solidarité. Sur le plan humain, il était d’une exquise urbanité et d’un délicieux commerce.
A son arrivée comme à son départ, il invitait généreusement les membres de la Délégation à déjeuner avec lui sans cependant oublier, lors de ces moments de partage du pain, de procéder ç l’évaluation des résultats de chaque session du Conseil exécutif et des perspectives d’action de l’Unesco à l’aune des intérêts de l’Algérie.
Avec la disparition du très cher Si Abdelatif, ailé Ainé dont le verbe était tissé de cette lumineuse espérance qui féconde la confiance en l’avenir de notre cher pays ; ce n’est pas seulement un père qui part mais également un de ces êtres humainement précieux qui sont la chair vive de nos repères dont il est de la fierté affirmée et du devoir éthique, de chaque algérien, d’en prendre ardemment soin avec la plus haute et respectueuse considération.
Enfin, je voudrais exprimer tout l’affection à ses chers enfants et leur dire que le repère de père qu’il était Si Abdelatif n’est pas seulement le vôtre, pas seulement le vôtre.
Mokhtar Attar Ancien membre de la Délégation permanente de l’Algérie auprès de l’Unesco
