Société

Le voile traditionnel de la femme bousaadie, la mlahfa, fait de larésistance contre les temps modernes

Publié par Par Mekioussa Chekir le 24-01-2015, 18h46 | 272
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La «mlahfa», le voile traditionnel de la femme bousaadie, semble résister au temps et aux nouvelles moeurs vestimentaires du XXIe siècle, mais reste confinée à la cité de Sidi Thameur, fondateur vers le XVIe siècle de la ville, déplorent les plus attachés à ce pan du patrimoine culturel.

Contrairement au haïk algérois, le voile de Bousaâda n’a pas déserté le paysage de cette cité pittoresque, aux portes du désert : il n’est pas rare en fait de croiser aux détours de ses venelles, des femmes étroitement emmitouflées dans cet accoutrement, qui renvoie essentiellement à la pudeur de la femme.

Une pudeur symbolisée par le rituel même de porter ce voile, souvent en étoffe de grande qualité: le corps de la femme en est entièrement drapé, caché, à l'exception d'une ouverture au niveau des yeux, pour la visibilité. Plus fréquemment porté par des femmes d’un âge plutôt avancé, la mlahfa de Bou-saâda semble résister au temps face à l’invasion des tenues venues d’Orient (hidjab, niqab et djilbab).

Aussi, est-il plus fréquent à Bou-saâda de croiser des femmes portant ces tenues, plutôt que celles drapées dans la mlahfa, l’habit local, même si les plus jeunes s’attachent à conférer à leur hidjab une connotation plus moderne en troquant la longue tunique avec des combinaisons plus décontractées, y compris des jean's. Si le hidjab est majoritairement adopté par les Bousaâdies, il n’en demeure pas moins que la mlahfa locale a encore de «beaux jours devant elle», se réjouissent de nombreux natifs de la ville.

En dépit de la baisse de ses adeptes, le voile traditionnel de la cité du «Bonheur», l'ancienne appellation de la ville au temps de Sidi Thameur, continue d’avoir une valeur sociale importante pour ses habitants.

En dépit d'une urbanisation anarchique dés les années 1980, avec son lot de nouvelles valeurs sociales, Bou-saâda, avec son k'sar (la vieille cité) et ses vieux quartiers en toub, reste attrayante. Ici, le temps semble figé au détour du quartier d'El Mouamine, dans le vieux k'sar, où vieux palais avec des jardins intérieurs et maisons cossues rénovées avec des vasques d'eau pour les ablutions, renvoient à la belle époque de cette cité entourée de palmeraies, dernière concentration urbaine avant le désert pour les caravaniers.

Ceux qui faisaient, à l'époque, la route du sel. La notoriété de cette cité, à quelque 250 km au sud-est d'Alger, lui est surtout venue à la fin du XIXe siècle du coup de cœur du peintre français Alphonse-Etienne Dinet (1861-1929), devenu Nasreddine Dinet après sa conversion à l'Islam.

La mlahfa face au temps qui passe

"La mlahfa ne saurait, en aucun cas, être absente du trousseau de la future mariée, car elle représente un héritage culturel précieux, que se transmettent les générations, combien même elle ne serait pas amenée à s’en servir ultérieurement", explique à l’APS, Mahfoud Bennacer Bey, documentaliste au musée Etienne Dinet de Bousaâda.

Il avoue néanmoins que son épouse, qui en possède trois, ne s'en sert jamais en dehors de la ville, son port étant souvent réduit à des sorties au marché, pour aller chez la coiffeuse ou au hammam (bain maure). Originaire de la wilaya de Boumerdès, Louiza affirme quant à elle avoir adopté le voile local depuis qu’elle s’est installée dans cette ville, il y a 30 ans. «Bien que je sois d’origine kabyle, j’ai fini par adopter et m’adapter à cette mode vestimentaire, car j’estime que je me dois de me conformer aux traditions locales, qui sont celles de ma belle-famille", affirme-t-elle.

Elle avoue néanmoins qu'elle porte le voile traditionnel uniquement dans l'enceinte de la ville. Certaines femmes de Bousaâda vont jusqu’à confesser que «le port de la mlahfa en extra-muros serait mal perçu, car ringard et par conséquent, il n'est plus ni de mode, encore moins de notre époque».
«Mon fils m’a demandé à maintes reprises de me séparer définitivement de la mlahfa, ce que j’ai toujours refusé, car c’est  plus pudique que le hidjab.

Néanmoins, je ne le porte qu’à Bousaâda pour faire comme tout le monde», explique Fatima Boudchicha. La septuagénaire se rappelle avec des soupirs, pourtant, de l’époque ou celui-ci était porté «partout dans la cité», tandis que d’autres évoquent les temps perdus où la mlahfa constituait une fierté pour les habitants de la «Cité du Bonheur».

Pour les plus optimistes, le maintien de cette tradition vestimentaire est déjà une «bonne chose en soi», citant la réduction à l'état de curiosité sociale le haïk algérois, et dans une moindre mesure la m'laya de Constantine et des villes de l'Est du pays. «Il vaut mieux qu’il soit porté même de manière limitée plutôt qu’il disparaisse complètement du paysage de Bou saâda», soutient Youcef Belouadeh, un sexagénaire, qui tient une échoppe d’artisanat dans l'antique médina.

Remontant à plusieurs décennies, le voile féminin de Bousaâda a fait l’objet de peu d’écrits jusque là. Pour autant, il y a eu une étude anthropologique et historique de Barkahoum Ferhati, publié en 2009.
Native de la région et architecte de formation, l’auteur y relève que la première personne à avoir décrit le costume de Bousaâda est le premier maire d’Alger, Charles de Galland (1851-1923), qui, en excursion en 1887, en avait donné une précision assez détaillée.

«Elles sont vêtues d’une tunique flottante, rouge ou polychrome, serrée à la taille par un foulard ou une ceinture de cuir, ornée d’un épais fermoir en argent», écrit-il pour décrire l'accoutrement de l'époque de la femme bousaâdie. Depuis cette description, le costume féminin de Bousaâda a évolué pour acquérir un aspect plus sobre : un modeste drapage, généralement blanc, et qui pour l’heure, symbolise encore l’un des motifs de curiosité de cette ville et l’une de ses plus authentiques caractéristiques sociales.

APS

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