Histoire

Guelma-La ville martyre, les hécatombes: Les premiers méfaits de la milice

Publié par Amar Belkhodja le 12-03-2014, 15h12 | 397
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Dans notre dernier article, nous avons guidé nos lecteurs à travers Guelma, depuis la porte des Souks jusqu’au haut de la rue des Combattants et nous leur avons rapporté les circonstances dans lesquelles s’était produite l’échauffourée entre manifestants musulmans et éléments européens de la population civile, de la police et de l’armée. Puis nous les avons quittés, les invitant à nous suivre.

Demeurée dignement repliée sur elle-même, à l’intérieur de ses maisons, la population musulmane, émue de ces agissements, attendait cependant, dans l’ordre, l’arrêt du destin.

La nuit du 9 au 10 mai se passa sans histoire. Le jeudi 10 mai, grand émoi dans la ville : le général de Gaulle, engageant délibérément sa responsabilité personnelle et celle de son gouvernement, venait, par une note rendue publique, d'inciter l'administration algérienne à maintenir "l'ordre" et « la présence française » par tous les moyens, « au besoin par la force ».

Achiary et ses acolytes, qui savaient ce que pareilles paroles dans la bouche d’un général signifiaient exactement, agiront sur le champ. En un rien de temps, ils réussirent à faire affluer vers Guelma, déclarée en état de siège, la grande foule de colons de la région, accourus pour organiser la défense de leur sécurité et de leurs biens prétendument menacés et pour créer, sans perdre de temps, une milice qui n’allait pas tarder, violant toutes les lois de la République, provoquant ouvertement et violemment la population musulmane, à précipiter la sanglante tragédie.

Cette milice, appelée « garde républicaine », comprenait même des femmes et de tout jeunes gens. Elle se réunit aussitôt pour voter, au milieu des acclamations, une motion qui était une véritable déclaration de guerre civile et élut un comité directeur, dont certains membres appartenaient même à des partis politiques d’inspiration marxiste.

Au fur et à mesure de notre récit, nous ferons connaissance avec des assassins notoirement connus. Citons pour cette fois ces quelques premiers noms que nous avons trouvé au bas de la motion incendiaire dont nous venons de parler :  

Lavie M., délégué financier, conseiller général ; Mellis, administrateur de la commune mixte de l’Oued Cherf ; Garrivet, membre du parti socialiste, président de la « France Combattante » ; Fauqueux, président de « Combat » ; Cervais, directeur des associations agricoles ; Champ M. président des anciens combattants, premier adjoint au maire de Guelma ; Attali, conseiller municipal de Guelma ;président du Consistoire, Trazzini, sub-délégué de l’entraide française, conseiller municipal de Guelma ; Lacombe L. membre du parti communiste algérien ; Isselin, chef scout de France ; Cheylan G. secrétaire de l’Union locale des syndicats ; Jan A., commissaire délégué du Scoutisme français ; Crose L., secrétaire des associations des marins et coloniaux ; Lavie L. industriel ; Guiraud, maire d’Héliopolis ; Bouger, maire de Guelaât-bou-Sba ; Fanguière, maire de Galliéni ; Julia, maire de Petit ; Samuel maire de Millesimo ; Marès, ajoint spécial de Lapaine ; Gisselbrecht, adjoint spécial de Kellermann ; Chespy, adjoint à l’administrateur de la C.M. d’oued Cherf ; Palwel, conseiller municipal.

président du syndicat d’élevage ; Sadeler, maire de Clauzel ; Boujol, président des Docks coopératifs ; Puech ; agriculteur ; Bezzina, agriculteur, représentant les familles des « victimes », Cheylan V. membre du parti communiste algérien ; Brussiau, agriculteur ; Fournier. Brigadier des Eaux et Forêts ; Dr Buisson, médecin de colonisation à Gounod ; Dittelot, agriculteur, Gerbaul et L. agriculteurs ; Gerbaulet G. employé des chemins de fer.

Le nom d’Achiary, on le remarque, ne figure pas dans cette liste. C’est que le trop habile criminel, l’ex-tortionnaire au service de Vichy, ne voulait pas s’afficher publiquement. La milice créée par lui, malgré la volonté formelle de M. Maubert, qui se déclara maintes fois contre tous abus et se refusa à tuer ces jeunes gens « qu’il avait vu naître », agissait sous ses ordres.

Nous l’avons dit. Nous le répéterons sans cesse : Achiary est le responsable du déclenchement des troubles.

Jusqu’à présent, cependant, il a joui de l’appui de nombreux protecteurs qui, après l’avoir mis à la tête de l’une des plus importantes officines du Gouvernement général- cette caverne d’Ali-Baba où plus de quarante voleurs font leurs affaires en collaboration avec d’authentiques assassins – prononcent maintenant de chaleureux plaidoyers en sa faveur et voudraient le réhabiliter.

Ecoutons parler l’un d’eux, le journaliste A. Zenati, de la très confidentielle « Voix indigène » devenue depuis quelque temps la médiocre « Voix Libre », qui écrivait tout récemment :  « … Nous n’avons pas l’intention de faire un plaidoyer en faveur de M. Achiary, mais ce qui est la vérité doit être dit, les esprits chagrins dussent-ils ne pas y trouver leur compte. Nous ne faisons aucune œuvre partisane et nous nous moquons des partis et de ce que leurs politiciens peuvent penser.

Nous sommes des hommes libres et c’est parce que nous sommes des hommes libres que nous avons le devoir de ne rien laisser dans l’ombre. « Si nous disons que le sous-préfet Achiary, dont nous nions pas les responsabilités, a été surtout considéré dans l’affaire de Guelma comme une sorte de lampiste qui a endossé des responsabilités plus effroyables encore, nous n’avançons rien qui ne puisse être vérifié ».

Et plus loin, le valet de plume de la colonisation d’ajouter :  « La provocation allait s’organiser dans la nuit. Elle sera malheureusement le fait des Musulmans qui, de longue date étaient préparés à cette éventualité et qui étaient trop bien disciplinés pour pouvoir prétendre ne tenir leurs ordres que d’une direction autochtone. Nous avons retrouvé la rapidité, la sûreté et nous dirons même l’électrisme des mouvements anti-juifs du 5 août 1934 ».

« C’est ici qu’il faut se souvenir d’un fait qui a une extrême importance : une invasion de nomades qui prit mystérieusement fin dans la nuit du 9 au 10 juin. C’est de là que partira la vague meurtrière ».

Achiary, une sorte de lampiste ? 
C’est du côté des musulmans qu’est partie la vague meurtrière ? 
M.A. Zenati, quel jeu jouez-vous donc là ?
Sans équivoque possible, avec l’infime complaisance qui se caractérise par vos rapports avec le peuple dont vous êtes issu, vous tentez de blanchir Achiary.

Avec des termes à peine déguisés, obéissant à des consignes secrètes mais dont nous devinons la source, vous tentez également de rejeter la responsabilité du drame de Guelma sur les Musulmans, et cela à seule fin d’innocenter ceux-là mêmes qui ont attenté à votre vie un jour de mai 1945 parce que, au sein de la milice, vous aviez assisté à une de leurs réunions au moins, et que vous étiez à leurs yeux un témoin gênant qu’il convenait de supprimer… Qui donc vous l’a fait si vite oublier ?

Délibérément sorti du rang des hommes libres, auxquels vous prétendez appartenir encore, vous vous êtes définitivement enrôlé sous la bannière colonialiste, toute tâchée du sang encore fumant des innocents de Guelma.

Après cette courte et nécessaire digression, revenons à notre sujet.
La milice, dotée d’un directeur, se mit aussitôt à l’œuvre. La première mesure prise par ses principaux dirigeants, devenus maîtres de la ville, fut de consigner les nombreux tirailleurs musulmans en garnison dans la caserne Harkett. 

Vers midi, le commissaire Tocquard, accompagné de l’assassin Champs, président de la section guelmoise de l’association des anciens combattants et adjoint au maire, se rendit au domicile du vendeur d’ Egalité Djarbaoua Abdelmadji, électricien, âgé de 33 ans, pour l’arrêter. 

Emmené enchaîné derrière les remparts, par très loin de chez lui, notre valeureux militant fut aussitôt exécuté par le policier qui, après l’avoir abattu de plusieurs coups de revolver, vint lui fracasser le crâne en lui assénant de violents coups de pieds en disant : « Ah ! salaud ! Il n’y a pas si longtemps du criais encore Vive Ferhat Abbas ! »

Djerbaoua Abdelmadjid était dépositaire de notre journal qu’il vendait lui-même à la criée et diffusait avec un dévouement inlassable. Son activité lui a valu la haine inexpiable de Tocquard. Il fut la première victime de l’immense tragédie qui allait entraîner le massacre de plusieurs autres milliers d’innocents.

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