Histoire

Guelma-La ville martyre, les hécatombes: Premières exécutions et intervention de l’aviation

Publié par Amar Belkhodja le 14-03-2014, 14h58 | 213
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Les membres du comité des Amis du Manifeste et de la Liberté arrêtés et considérés comme otages, des centaines d’autres jeunes musulmans emprisonnés sans discernement, l’incomparable diffuseur d’Egalité, Djarbaoua Abdelmadjid, assassiné sauvagement par le commissaire Tocquard, la ville proclamée en état de siège par Achiary et ses amis, l’appel du massacre retentit soudain, en cette matinée du jeudi 10 mai, à travers Guelma et sa région.

Jeté au milieu d’une haie de miliciens qui me bousculaient, me renvoyaient de l’un à l’autre, m’assénant de violents coups, qui de ses poings et de ses pieds, qui de son nerf et bœuf, qui de la crosse de son arme. Au bout du couloir, je reçus un coup de casse-tête.

Inondé de sang, je perdis connaissance.  Lorsque je revins à la vie, j’eus devant mes yeux une vision d’enfer : dans l’étroite cour de la gendarmerie, située à l’angle des rues Négrier et d’Ammouna, cent quatre vingt hommes gisaient, vêtement déchirés, ruisselants de sang, dents arrachées visages tuméfiés et méconnaissables.

Je suis resté à plusieurs jours. Point de nourriture. Celle que nos mères ou nos femmes nous apportaient, nous était refusée. Lorsque, affamés, altérés, nous demandions à manger et à boire surtout la chaleur dégagée par nos corps couverts de plaies vives était suffocante- l’on nous apportait dans des arrosoirs de l’eau puisé à un abreuvoir.

Je revois encore mon oncle Benchida Ahmed, ce jour de mardi 15 mai, entre les mains de l’agent de la P.R.G. Fassi Abdekrim qui s’est particulièrement distingué au cours du drame. Emmené je ne sais où, il n’est plus jamais revenu.

Un soir l’on me fit appeler avec plusieurs autres détenus pour me dire que j’avais été désigné par le bureau de la milice pour enterrer les cadavres- Quels étaient les membres de ce bureau ?
Je ne peux vous citer les noms de ceux qui détentaient dans le bureau les rôles des plus importants.
PRESIDENT, Cervais, directeur des syndicats agricoles, VICE PRESIDENT, un architecte, commissaire des Eclaireurs de France.

L’ex-ajoint au maire, Champs, un certain Leroy, vieil instituteur à Guelma, le trop fameux Garrivet que le parti socialiste S.F.I.O. n’a pas encore exclu ; le commerçant en cérales Marceau ; Atali, le docteur Paiau ; le docteur Rucher, aujourd’hui à Bougie, le policier Trocquard, maintenu jusqu’à ce jour dans ses fonctions, le garde-champêtre de Guelaat-Sbaâ ; Cacavelli, Mme Nogues, employée des P.T.T., étaient, si ma mémoire ne m’abuse, également membres ce de bureau.

Quittons notre interlocuteur que nous reverrons dans de prochains articles, et reprenons notre rapide relation des faits. Vendredi 11 mai.  Le campagne guelmoise continue de subir, par intermittence, l’assaut de l’aviation au rôle de laquelle nous nous promettons de réserver un chapitre spécial dans ce reportage.

C’est ce jour-là que notre regretté Mohamed Reggui trouva la mort dans des circonstances que nous nous devons de signaler, parce qu’elles constituent l’une des preuves les plus édifiantes de la lâcheté de ces « éléments troubles d’inspirations et de méthodes hitlériennes » dont parle le fameux communiqué du Gouvernement général déjà cité ici :

Vers 16 heures, sa sœur, Mme Reggui Zohra, et ses trois frères, Abdelhafid, âgé de 10 ans, Amar et enfin Abdallah, mutilé de la guerre 14-18, chevalier de la Légion d’Honneur, qui venait de rentrer en Algérie après un séjour de 50 ans environ en France, ayant été déjà arrêté. Reggui Mohamed, propriétaire du café « Le Glacier » et de l’« hôtel d’Orient » fut convoqué dans la soirée à la gendarmerie où il se rendit aussitôt sans méfiance.

Sympathisant du mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté,  président du Comité de la Médersa Libre de Guelma, son activité parfaitement légale, sa mission culturelle et sociale n’avait jamais eu l’heur de plaire à l’administration locale.

Les gendarmes après un long interrogatoire auquel il avait répondu avec une saisissante clarté, le libérèrent « Vous pouvez être tranquille M. Reggui, aucune charge n’est relevée contre vous ». Il était à peu près 21 heures lorsqu’il franchit le seuil de la gendarmerie pour rentrer chez lui. La nuit était épaisse, il se dirigea vers la place. 

Il avait à peine parcouru une quarantaine de mètres, et se trouvait sur la chaussée où les taxis et les landaus de la ville stationnaient dans la journée, à proximité de l’ancien square Maréchal Pétain devenu square de Gaulle, lorsque soudain, tir des fenêtres de la gendarmerie, deux balles l’atteignirent dans le dos.

Instantanément, il s’écroule, laissant échapper dans le silence de la nuit, cette plainte déchirante : « Ah ! mes pauvres enfants ! je n’ai rien fait… » Huit jours après tombait à son tour, âgée de 34 ans Mme Zohra Reggui. Sa mémoire aujourd’hui est honorée par tous les musulmans de Guelma qui ne sont pas près d’oublier tout ce que cette femme cultivée- elle avait été l’une des toutes premières jeunes filles musulmanes qui avait fait des études secondaires- leur a rendu des services en éduquant des fillettes, en militant aux A.M.L., en prêchant l’instruction en langues arabe et française.

Torturée durant toute la période de sa détention ; les cheveux rasés, défigurée par les coups des miliciens infâmes qui lui furent subir les derniers outrages, elle résista et se défendit pourtant avec un héroïsme peu commun.

Un soir, on la fit sortir de geôle pour l’emmener à quelques kilomètres de Guelma au lieu dit « La Fontaine Chaude », près de la station thermale de  Hammam-meskhoutine. Sentant sa mort prochaine, mais encore toute frémissante d’indignation et aussi toute vibrante d’enthousiasme et de foi, elle s’adressa à ses bourreaux termes élevés pour leur cracher son mépris à la figure et pour condamner une dernière fois le colonialisme assassin.

Déchirant le bandeau dont on voulut lui recouvrir les yeux, elle mourut debout, le corps transpercé de balles, mais lançant un suprême cri d’espérance « Allah Akbar ! Vive l’Algérie ! » 

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