Monde

FN Daech : Comment Marine Le Pen instrumentalise sur Twitter les propos de Bourdin

Publié par DK News le 16-12-2015, 18h42 | 53
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Accusant le journaliste de BFMTV d'avoir tenu des propos "immondes" en comparant son parti à Daech, la présidente du Front national a lâché sa colère ce mercredi matin sous la forme de tweets sanglants. Sauf que Marine Le Pen a dû écouter l'émission sous la douche, car l'amalgame qu'elle énonce n'a pas été fait.

"Le parallèle fait ce matin par Jean-Jacques Bourdin entre Daech et le FN est un dérapage inacceptable. Il doit retirer ses propos immondes !" Signé par Marine Le Pen, ce tweet a précédé ce mercredi matin trois autres qui, photos immondes de décapitation et autres barbaries à l'appui, rappelaient : "Daech c'est ÇA !" Mais qu'a donc bien pu dire le journaliste de BFMTV-RMC pour provoquer une réaction si violente ? Pour son interview matinale, Jean-Jacques Bourdin recevait Gilles Kepel, politologue et spécialiste reconnu de l'islam, qui fait paraître aujourd'hui un nouveau livre* retraçant l'évolution récente du djihadisme en France. Retour sur ce qui a été vraiment dit au cours de cet entretien…

 

► "Ce n'est bien sûr pas la même chose"

La première occurrence du FN arrive dans cette question du journaliste : "Et dans votre livre, vous faites le lien entre le djihadisme français et la poussée du Front national ?" Ce à quoi Gilles Kepel répond : "Oui effectivement, je crois que ce sont deux phénomènes, alors ce n'est bien sûr pas la même chose, hein, mais deux phénomènes qui participent un peu de la même, comme on dit en sociologie, congruence (c'est-à-dire qu'ils coïncident, ndlr). Ils se ressemblent, parce que dans les deux cas, on est dans une société dans laquelle il y a une inclusion qui est de plus en plus faible." Développant son analyse, Gilles Kepel met en parallèle les jeunes défavorisés de banlieue qui, sans perspective d'avenir offerte par la société, "se sentent marginalisés" et rejettent en bloc cette société et ses valeurs républicaines. Or selon lui, "dans le cas de l'extrême droite, vous avez un phénomène qui n'est pas complètement différent, et qui touche d'autres personnes". En effet, conclut le chercheur, le "vote massif pour le FN aux élections régionales pose la question de notre système politique, la manière dont le système politique est en lien avec la société ou pas. On a quand même le sentiment, et je ne suis pas le seul à le penser, qu'on a des partis qui sont de plus en plus des coquilles vides, qui tournent en boucle et la société (...) se sent complètement déboussolée".

 

=> En clair, personne dans ce passage n'assimile le FN à Daech. Ce sont les poussées de l'un et de l'autre qui sont mises en comparaison. Et ce pour expliquer que, sociologiquement, elles concernent des populations différentes mais répondent toutes deux à un même sentiment de marginalisation. D'ailleurs, l'analyse de la déconnexion des partis traditionnels avec la société est l'un des ressorts principaux de l'argumentation… du FN.

 

► "Pas les liens directs entre Daech et le Front national mais ce repli identitaire…"

La seconde occurrence du FN intervient quand le journaliste pose cette autre question : "Je vais revenir sur les liens, entre Daech et le Front… enfin les liens, pas les liens directs entre Daech et le Front national mais ce repli identitaire, qui finalement est une communauté d'esprit, parce que l'idée pour Daech, c'est de pousser la société française au repli identitaire ?" Gilles Kepel répond alors que l'idée de l'un comme l'autre est de "casser en deux" la société, entre d'un côté les musulmans "qui s'identifieraient aux plus radicaux parce qu'ils ont été persécutés, et de l'autre des identitaires qui rejettent l'immigration, rejettent l'islam, etc." "Donc chacun considérerait l'autre en fonction de son appartenance communautaire?", relance Jean-Jacques Bourdin. "Voilà, entre autres choses, et finit par se faire la guerre. On est dans une société clivée de manière communautaire." L'objectif des djihadistes étant, comme le politologue le confirme au journaliste, de provoquer une "guerre civile"en France.

 

=> Là encore, Jean-Jacques Bourdin précise qu'il ne s'agit pas de faire de "lien direct" entre Daech et le FN. Leur point commun, selon l'analyse de Gilles Kepel, c'est le repli identitaire. Et le risque dans les deux cas, c'est une fracture communautariste (voire une guerre civile) entre d'un côté les musulmans et, de l'autre, les identitaires. Un scénario qui n'est rien d'autre que celui décrit… dans le fameux dernier roman de Michel Houellebecq, "Soumission". Lequel dessine une France de 2022 en climat de guerre civile alimentée par des identitaires, avec un parti musulman radical qui parvient au pouvoir. Une fiction dont, au moment de la sortie polémique du livre, Marine Le Pen avait jugé qu'elle "pourrait un jour devenir réalité".

*Terreur dans l'Hexagone (Gallimard), co-signé avec Antoine Jardin, spécialiste du vote populaire dans les banlieues.

Source : Metronews

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