Histoire

Guelma - La ville martyre, les hécatombes :VI. La visite de lestrade-Carbonnel et du général Duval

Publié par DK News le 16-03-2014, 15h25 | 163
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Dans un mémorable discours du vendredi 29 juin 1945, le ministre de l’Intérieur Tixier après avoir systématiquement rejeté la responsabilité des troubles sur les Amis du Manifeste et le PPA, déclarait avec un accent de feinte conviction :

Smaïn Abda, secrétaire  local SMA de Guelma assassiné en mai 1945 a écrit sur le mur de sa geôle avant d’être  exécuté  : « Nous sommes des braves engagés dans le dur combat pour la libération de leur patrie. Nous ne craignons point la mort et nos ennemis ne nous font pas peur. Mieux vaut un jour de vie dans la dignité que mille ans passés dans la servitude ».

Egalité n° 95 L’information était exacte. L’exécution de ces deux malheureuses personnes allait servir de nouveau prétexte à la haine raciale. Dès lors, d’aussi loin que l’on apercevait un burnous blanc on le visait en ricanant et l’on se faisait un point d’honneur de ne pas le rater.

Les prisons regorgeaient de monde, mais les arrestations continuaient massives, aveugles. Sous la conduite d’un musulman parfaitement indigne et qui se révéla parfaitement odieux au cours de ces sombres journées de répression en faisant bon nombre de victimes parmi ses frères, le nommé Fassi Abdelkrim, secrétaire de Tocquard, la police locale s’était jurée de vider les quartiers musulmans et jouait activement son rôle.

Vers la fin de l’après-midi, elle avait arrêté tous les scouts du groupe Ennoudjoub. Ces derniers- plus d’une quarantaine- avaient été dénoncés par le commissaire local des Eclaireurs de France et secrétaire du bureau de la milice, Taïr, ainsi que son complice Jean, que la Fédération des scouts de France vient de déléguer au Jamborée mondial de la Paix, à Moissons !

Vint le dimanche 13 mai. A partir de ce jour, le drame allait entrer dans une nouvelle phase.
La matinée fut notamment marquée par la visite à Guelma de deux hauts dignitaires du colonialisme dont on ne dira jamais avec assez de force la responsabilité dans le déclenchement des événements, le général Duval, véritable type du garde-chiourme, qui commandait à l’époque la division de Constantine mais qui aurait été plus à sa place dans un de ces états-majors hitlériens, chargés de dévaster l’Europe, et Lestrade-carbonel, préfet parvenu, sorte de fiers-à-bras qui oubliant ses hautes fonctions ne se gênait pas pour provoquer directement ses administrés et se collecter avec eux.

Ces hauts dignitaires du colonialisme donc, vinrent, officiellement, rendre visite à Guelma.
Accueillis aux portes de la ville par le sous-préfet Achiary et ses comparses, ils se rendirent aussitôt au quartier général de la milice où une manifestation était organisée en leur honneur. Puis, ils réunirent les notabilités européennes guelmoises auxquelles s’étaient joint un musulman, M. Sihil, oukil judiciaire.

Lestrade-Carbonel prit la parole pour féliciter avec chaleur les organisateurs des massacres et les exhorta, en termes enflammés à poursuivre leur œuvre de « salut public ».  M. Sihil eut assez d’indignation et de courage pour oser élever la voix et dire qu’il convenait au contraire de calmer les haines, arrêter des mesures propres à mettre fin au drame, afin d’éviter que le fossé ne s’approfondisse entre les deux éléments de la population du pays.
« Non ! répondit alors le préfet, il n’existe pas deux éléments dans ce pays. Pour nous, il n’y a qu’un seul élément qui compte : c’est l’élément européen. Quant à l’autre, il n’a qu’à se soumettre sans conditions ».

Puis se retournant vers les chefs de la milice : 
« Messieurs, faites votre devoir de français. Continuez à assurer l’ordre par tous les moyens et montrez que la France est une grande puissance ».Le général Duval résuma sa pensée en une phrase saisissante de clarté :

« Faite-nous un petit Berlin dans ce coin là » dit-il. Sa volonté fut faite. Il y eut beaucoup de petits « Berlin » qui, au lieu de les honorer, déshonorent à jamais les « vainqueurs ».
C’est ici qu’il convient de rappeler brièvement la noble attitude du Dr Michel à qui la population musulmane toute entière se plait aujourd’hui à rendre un hommage public.

En sa qualité de médecin-colonel chargé de la direction de l’hôpital militaire de la ville, le Dr Michel assistait à cette réunion. Dès que Lestrade-Carbonel et Duval eurent fini de surexciter les miliciens déjà suffisamment déchaînés, il intervint pour blâmer vigoureusement les excès commis jusque-là par ceux qui étaient soi-disant chargés officiellement de rétablir l’ordre, il eut quelques paroles émouvantes comme celle-ci : « Nous, médecins, commettons parfois des crimes involontaires dans l’exercice de notre profession. Nous ne voulons pas en commettre sciemment. Je ne prendrai pas les armes et je ne tuerai point des innocents ».

Lestrade-Carbonel indigné par la déclaration de cet homme de cœur, le traita de mauvais français et le bouscula durement en proférant des menaces. D’aucuns assurent qu’il se livra sur la personne du praticien à de véritables voies de fait. Il n’empêcha, le Dr Michel non seulement n’accepta pas de prendre les armes qu’on lui imposait et demeura absolument étranger aux massacres, mais il soigna gratuitement nombre de blessés musulmans au cours des événements. Aujourd’hui encore certains d’entre ces derniers qui ne se sont pas entièrement rétablis ou qui ont contracté des maladies dans les prisons coloniales sont traités par lui avec une particulière sollicitude.

Abdelkader Safir 
(à suivre)du 19 septembre 1947

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