Amnesty International (AI) a demandé jeudi les parlementaires français de ne pas voter pour la prolongation de la durée de l’état d’urgence, instauré pour trois mois suite aux attentats terroristes du 13 novembre 2015 qui ont fait 130 morts à Paris.
L'état d'urgence, que le gouvernement compte prolonger sa durée de trois mois supplémentaires, renforce les pouvoirs de la police et permet les assignations à résidence et perquisitions administratives de jour comme de nuit, ou l'interdiction de rassemblements.
Le ministère de l’Intérieur avait annoncé qu’en deux mois de son instauration, plus de 3.000 perquisitions ont été conduites, 400 personnes interpellées et 400 assignées à résidence.
"En l'absence de garanties satisfaisantes", Amnesty International engage les autorités françaises à renoncer à la prolongation de l'état d'urgence.
Pour l’ONG, l’assignation à résidence dans le cadre de ce dispositif, "porte atteinte au droit à une vie familiale, au droit d’aller et venir, à un procès équitable et à la présomption d’innocence".
En ce qui concerne les perquisitions, AI considère que cette mesure est "une atteinte au droit à la vie privée et au secret des correspondances", soulignant que ces "mesures d'urgence brutales, notamment des perquisitions de nuit et des arrêtés d'assignation à résidence, bafouent les droits de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, qui en ressortent traumatisés et stigmatisés".
Pour l’élaboration de son rapport, rendu public jeudi, Amnesty International s'est entretenue avec 60 personnes dont "la majorité a déclaré que des mesures très sévères avaient été appliquées, avec très peu, voire aucune explication à la clé, et parfois un usage excessif de la force", dont certaines ont confié qu’elles ont perdu leur travail en raison de la "stigmatisation liée aux perquisitions".
"Des pouvoirs exécutifs étendus, assortis de très peu de contrôles sur leur application, ont causé toute une série de violations des droits humains" en France, a dénoncé l’ONG relevant que ces mesures "n'ont récolté que très peu de résultats concrets, ce qui pose la question de (leur) proportionnalité.
L’état d’urgence, qui doit prendre fin le 26 février, et son application ont suscité de nombreuses critiques, des associations de défense des droits de l'homme au Défenseur des droits, en passant par l'ONU et le Conseil de l'Europe.
Selon un bilan annuel publié jeudi, le Défenseur des droits a indiqué que plusieurs dizaines de réclamations ont atterri fin 2015 sur son bureau.
A la suite des mesures exceptionnelles prises dans le cadre de l'état d'urgence, "le Défenseur des droits a reçu 42 réclamations" en l'espace de cinq semaines, du 26 novembre au 31 décembre 2015, indique ce rapport.
Parmi ces réclamations, 18 sont liées à des perquisitions et 11 à des assignations à résidence. Parmi ces dernières, deux ont eu pour conséquence un licenciement, précise le Défenseur des droits qui souhaite que pour 2016, "l'égalité revienne au cœur du projet républicain afin que chacune et chacun se sente appartenir à cette République qui doit demeurer le trésor commun".
(APS)