La situation sécuritaire se dégrade au Sahel en raison de la multiplication des attaques terroristes ayant ciblé les armées des pays de la région à leurs frontières communes, poussant leurs dirigeants à demander que les mandats des missions de paix des Nations unies, jugées «inadaptées à l'environnement actuel» soient renforcés et plus offensifs.
Au Sahel, les armées continuent d’essuyer des revers face aux groupes terroristes. Il y a plus d'une semaine, 71 soldats ont été tués dans une attaque de grande ampleur contre le camp militaire d'Inates dans l'ouest du Niger. Revendiquée par l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI/Daech), cette attaque est la plus meurtrière jamais enregistrée dans la région.
Au Mali, pas moins de 140 soldats ont trouvé la mort ces derniers mois dans une série d’attaques sanglantes contre les bases militaires. Quant au Burkina Faso, il a perdu 24 militaires en août dans une attaque contre la base de Koutougou, près de la frontière malienne.
Face à toutes ces attaques, les dirigeants des pays du Sahel demandent à l'ONU que les mandats des missions de paix soient renforcés et plus offensifs. Réunis dimanche en sommet extraordinaire à Niamey, ils ont en outre appelé à davantage de coopération mutuelle et internationale pour endiguer le péril terroriste qui frappe de plus en plus violemment leurs pays. «Les attaques sans cesse répétées par les groupes terroristes dans notre espace nous rappellent non seulement l'extrême gravité de la situation mais aussi l'urgence de travailler davantage en synergie», a ainsi indiqué le président nigérien, Mahamadou Issoufou. Alors que la menace terroriste persiste au Sahel malgré la présence de plusieurs opérations militaires, l'on s'interroge sur la nécessité d'une implication «plus offensive» de l’Onu ou de ses forces comme le demandent les chefs d’Etat de la région.
Dans un récent entretien à France 24, la Guinéenne Bintou Keita, sous-secrétaire de l’ONU pour l’Afrique, répond à toutes les préoccupations. Tout en rappelant que le rôle des Nations unies est de pacifier les pays, celle qui a occupé de hautes fonctions au sein de différentes institutions onusiennes affirme que la lutte contre le terrorisme «est un combat de longue haleine et doit être portée par les armées nationales». Elle a indiqué que la lutte contre le terrorisme ne fait pas du tout partie du mandat des opérations de maintien de la paix. Les Casques bleus qui sont déployés dans le cadre de missions de paix ont pour objectif de «réduire les tensions et les violences, de permettre ensuite d'ouvrir les espaces de dialogue politique avec l’ensemble des partis, et enfin de protéger les populations civiles».
Les missions de paix de l'ONU jugées «inadaptées à l'environnement actuel»
Plusieurs diplomates et observateurs pensent que les missions de maintien de la paix, comme au Mali ou en République démocratique du Congo (RDC), ne sont plus adaptées aux conflits actuels. A ce propos, Bintou Keita a encore indiqué que «les opérations de maintien de la paix opèrent aujourd’hui dans de nouveaux environnements où la situation sécuritaire est de plus en plus dégradée avec les attaques terroristes». «Les mandats déjà robustes des missions de maintien de la paix peuvent être adaptés mais ils sont indépendants de la lutte contre le terrorisme. J’insiste sur cela. Sinon, on fait de l’amalgame. Le rôle premier des opérations de maintien de la paix est l'appui à des négociations politiques et à la mise en £uvre des accords de paix».
«Cependant, a-t-elle poursuivi, nous sommes en train de faire évoluer la posture des bataillons avec lesquels nous travaillons pour que les Casques bleus soient plus flexibles. Et pour qu’ils soient plus en mesure d’être déployés rapidement. Les territoires sur lesquels ils opèrent sont immenses. Et sur le plan logistique, ce n’est absolument pas facile».
«Au lieu d’avoir des bataillons statiques, ce dont nous avons besoin par rapport aux environnements d'aujourd'hui, ce sont des contingents avec une mobilité rapide leur permettant d’opérer sur des terrains désertiques comme au Sahel ou de jungle comme en République démocratique du Congo». Si Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des Affaires étrangères tchadien et chef de la Minusma pour la stabilisation du Mali, est d’avis que les Missions de maintien de la paix conçues dans les années 1950 ne sont plus adaptées dans des environnements actuels pleins de terroristes, il insiste aussi sur l’urgence de restructurer et de reconstruire les armées nationales. «L’ONU mène des réformes pour adapter les missions à leur environnement».
«Il faut professionnaliser les armées», abonde Ahmedou Ould Abdalah, directeur du Centre pour la stratégie et la sécurité dans le Sahel Sahara, basé à Nouakchot.
Sentiment anti-français dans la région
La présence des forces françaises dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel, un territoire désertique de plus de 3 millions de km², rencontre un rejet grandissant au sein des opinions publiques de plusieurs pays africains, notamment au Burkina-Faso, au Mali et au Niger. Ainsi, des commentaires partagés des milliers de fois sur les réseaux sociaux au Mali, au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire, accusent la France de faire le jeu des terroristes pour justifier le maintien de sa présence militaire dans la région. L’un des commentaires disait même que l'armée française avait mené une frappe contre une base militaire nigérienne située à Diffa, une ville du sud-est du pays, dans le but d’entretenir la menace terroriste. Alors que l’opération Barkhane consiste à lutter, depuis son lancement en août 2014, contre les groupes terroristes et à soutenir les armées des pays concernés par la menace terroriste, la région reste l'objet d'attaques de plus en plus fréquentes.
Les violences terroristes persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu'au Burkina Faso et au Niger voisins. Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, et les interrogations autour de «la meilleure stratégie à adopter pour lutter contre les nombreux groupes terroristes à la résilience hors norme, très mobiles et dont l’activisme déstabilise les Etats» se sont multipliées. Plusieurs manifestations ont été organisées au cours de l’année à Bamako et à Ouagadougou contre la présence militaire française dans la région.