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Le professeur Ziri Abbas, et chef du service psychiatrie et le professeur Messaoudi Abdelhak, spécialiste en psychiatrie, invités du Forum de DK News : Etablir une politique nationale de prévention du suicide

Publié par Saïd Abjaoui le 06-11-2014, 18h00 | 736
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Suicide. Se suicider. C’est la négation de sa propre vie. Quand on n’accorde plus aucun intérêt à sa propre vie, fatalement on n’en accorde plus guère à celle des autres. Phénomène étranger à notre société ? Le dire serait faire l’économie de son étude. 

Pourquoi des candidats au suicide ? L’interrogation vaut pour toutes les raisons ou motivations qui les « justifieraient ». Le suicide est un concept lié à un environnement complexe. Le suicide est un thème qui n’occupe pas la scène médiatique. Tout au plus comme un fait divers qu’on oublie jusqu’à l’apparition d’un autre suicide.

Le besoin de contribuer à réaliser un dialogue entre la société et les spécialistes pour tenter de créer un environnement de concertation a justifié l’invitation adressée par le Forum de DK News à M. le professeur Ziri Abbas, directeur général du CHU Mohamed-Nadir de Tizi Ouzou, chef du service psychiatrie.

Celui-ci  était accompagné du professeur Messaoudi Abdelhak, spécialiste en psychiatrie.
Le thème en lui-même est très complexe, très important, sensible. C’est un thème, selon le professeur Ziri, qui a fait couler beaucoup d’encre dans le monde.

Dramatique, car  il «touche» les familles, la société. Le suicide n’est ni de la lâcheté, ni du courage. L’aspiration à vivre est inférieure à celle de mourir. Le suicide pour ne pas continuer à souffrir, ou alors pour prévenir la douleur devant un cas qui bientôt arrivera à la phase terminale.

Il n’y a plus de sources de résistance à la maladie, ceci quand cela ne concerne que le domaine de la santé.  Peut-on identifier les signes précurseurs ? Comment faire ? Quels signes avant-coureurs ? Le candidat au suicide est il maître de lui même? Au XVIIe siècle, en 1642, l’acte est condamné par la religion et considéré comme un meurtre. Plus tard, Durkheim en faisait deux approches. L’une est une approche socio-psychologique. L’autre est psychiatrique définie en 1827.

Dans le domaine des statistiques, pour ce qui concerne le territoire national, il n’y en a pas de bien disponibles. Les hôpitaux n’ont généralement pas d’informations sur les nombres de suicidés quand ils ne sont pas sollicités.

Par contre, les chiffres devraient être disponibles auprès des forces de police et de gendarmerie. Egalement auprès des directions des «pompiers».

Les chiffres recueillis auprès des hôpitaux sont les suivants. Sur la période 1994, 2003, on a enregistré 4571 cas sur le territoire national. Sur 14 wilayas , on a enregistré à Annaba durant la période 1995 2003 , 167 cas , 180 CAS à Oran, sur 3 ans, à Batna, 123 cas sur la période 2004, 2012, Bab El Oued, 259 cas  etc.

Concernant Tizi Ouzou, où les statistiques sont plus précises, 54 en 2008, 42 en 2009, 67 en 2010 , 64 en 2011, 60 en 2012, 82 en 2013, 58 jusqu’à novembre.

Statistiques comparées, selon l’OMS, en Algérie, le taux de prévalence est de 3,7 /100 mille habitants aux Etats Unis, 32/ 100mille habitants, il est de 28 pour la Finlande, plus de 15 pour la France.

Sur la rive sud de la Méditerranée, il est de 3 à 6 alors que l’Algérie varie  de 3 à 6. La majorité des suicides se font par la pendaison. La prévalence d’âge est de 30  à 40 ans pour les hommes et de 20 à 30 pour les femmes. Le statut marital est le même pour les hommes e les femmes. Il est plus élevé chez le veuf par rapport à la veuve.  Le facteur marital est plus protecteur.

Concernant l’acte préventif, il faudrait agir en amont de la pensée au suicide soit sur la vie  sentimentale, les facteurs à risque… En matière de santé mentale, il faudrait s’appuyer sur le programme stratégique et de prévention établi par l’OMS pour avoir une politique nationale de prévention de suicide.


«Stratégie de prévention»

Le professeur Ziri Abbas, directeur du CHU de Tizi-Ouzou, chef du service psychiatrie a traité ce thème préoccupant de société au Forum de DK news. Le professeur de psychiatrie du CHU Mohamed Nedir, Abdelkrim Messaoudi a assisté au Forum.

Le conférencier a caractérisé le suicide comme un passage à l’acte d’une personne en souffrance qui décide de mettre fin à sa vie, volontairement : «  C’est un sujet complexe, important, sensible qui fait couler beaucoup d’encre. C’est un acte dramatique pour la famille, pour la société. Il est tragique et exceptionnel. »

L’approche sociologique d’Emile Durkheim le définit comme un fait social, donc analysable et quantifiable.

La démarche médicale psychiatrique est d’en faire le diagnostic, de conduire un traitement et de proposer aux pouvoirs publics de développer une stratégie de prévention du suicide.
Signes

«  Quels sont les signes avant-coureurs qui permettraient de prévenir-et d’éviter- le passage à l’acte ? »

Une agitation extrême, une instabilité de l’humeur, une irritabilité, une angoisse sont des signes qui doivent alerter la famille, les amis, le voisinage et les faire intervenir pour amener le sujet à consulter.

La santé étant un bon état physique et mental, le candidat au suicide est celui qui souffre d’une maladie mentale, de dépression, qui présente des troubles de la personnalité, est addictif aux drogues et à l’alcool. 

Le passage à l’acte est le fait d’un individu qui n’arrive plus à gérer ses conflits intérieurs, selon le professeur Ziri.

Epidémiologie

- Les statistiques algériennes reposent sur les informations hospitalières :
- De 1994 à 2003 on a dénombré 4571 suicides en Algérie
- 14 wilayas du nord-est du pays ont compté 1263 cas entre 1996 et 2003
- Annaba a connu entre 2000 et 2012, 167 décès
- Oran de 2003 à 2006 a enregistré 183 cas
- Batna a eu 123 cas de 2009 à 2011
- Le centre de médecine légale de Bab El Oued a déclaré 259 cas entre 2007 et 2012
S’agissant de la wilaya de Tizi-Ouzou
2007, 74 cas ; 2008,54 ; 2009, 52 ; 2010, 67 ; 2011, 69 ; 2012, 69 ; 2013, 82 ; 2014(jusqu’au mois d’octobre) 58 cas.

Comme c’est la wilaya sur laquelle se sont focalisés les projecteurs, le professeur indique que cette prévalence est de 6% pour 100 000 habitants.

Le professeur, comme pour ramener les choses à leur juste appréciation rappelle qu’aux USA, la prévalence est 32 pour 100000, de  28 en Finlande, de 15 en France.

Les pays du nord de la Méditerranée ayant un taux de prévalence comparable à celui de l’Algérie sont la Grèce, l’Espagne, l’Italie soit 3 pour 100 000 habitants.

Quelles sont les classes d’âge qui passent à l’acte ?

La plupart des suicides sont le fait d’hommes âgés de 30 à 40 ans ; l’âge des femmes est compris entre 20 et 30 ans. Il arrive que le conjoint resté seul à la suite du décès du compagnon de vie passe à l’acte et met fin à sa vie. Des personnes âgées également y recourent.

Le modus operandi est le plus souvent la pendaison, au domicile ou près de l’habitation. Il n’y a pas de moment  particulier.

Personnes en difficulté

Des questions ont été posées sur des causes de suicides par immolation ; le professeur a estimé que leur prévalence était insignifiante, tout comme celle qui est en rapport avec les  suicides dus au chômage…

Prévention

La prévention du suicide est une question de santé publique, «elle concerne toutes les professions de la santé » et des organismes sociaux.

Pour diminuer la mortalité par suicide et améliorer la réponse aux situations de crise s’impose l’organisation d’un circuit de prise en charge et en renforçant la connaissance en santé mentale pour mieux informer la population. «La prévention du suicide dont l’objectif est de réduire la mortalité rend nécessaire d’intégrer la prévention dans une approche globale de santé publique» écrit-on. 

Des actions seront donc nécessaires, leur programmation  permettra de mieux connaître les sujets à risques et de les aider à mieux supporter leur souffrance  psychique et  même les guérir.

O. Larbi


Les liens familiaux, un rempart contre le suicide

Contrairement aux sociétés européennes et occidentales caractérisées par la rupture des liens familiaux et la montée de l’individualisme, la société algérienne a su préserver sa composante et sa cohésion malgré les différentes mutations engendrées par la modernisation.

«Selon de récentes études cliniques, les liens sociaux et familiaux constituent un rempart contre le suicide.

Ce facteur explique en partie la grande différence entre l’incidence des cas de suicide enregistrés en Occident à l’image des USA qui enregistre 32 cas sur cent mille habitants, la Finlande 28 cas sur cent mille habitants, la France 15 cas sur cent mille habitants et l’Algérie qui fait partie des pays qui enregistre le taux le plus faible dans le monde avec 3 à 6 cas sur cent mille habitants», a expliqué le Pr Ziri.

R. R.


Les hommes plus exposés, et le mariage un facteur protecteur !  

Selon le Pr Ziri, le suicide reste un acte extrême qui touche aussi bien l’homme que la femme. Toutefois, il est bien plus fréquent chez l’homme et chez les veufs. Le moyen de suicide le plus utilisé est la pendaison.

La tranche d’âge la plus touchée, chez les hommes, se situe entre 30 et 40 ans tandis que chez les femmes le passage à l’acte se fait beaucoup plus jeune, il survient entre 20 et 30 ans. Le statut marital est aussi déterminent. Des études ont démontré que le mariage est un facteur protecteur contre le suicide.   

R. R.


4571 cas de suicide enregistrés en 8 ans dans 14 wilayas du Nord

Le directeur général et chef du service psychiatrie au CHU Mohamed Nedir de Tizi Ouzou a indiqué que 4571 cas de suicide ont été enregistrés entre la période allant de 1995 à 2003 au niveau de 14 wilayas du Nord-Est du pays.

A Oran, entre 2003 et 2006, ce n’est pas moins de 186 cas qui ont été enregistrés. Dans la wilaya de Batna, 123 cas ont été enregistrés entre 2009 et 2012. A Bab El Oued, selon une étude réalisée par le service de médecine légale du CHU, 259 cas de suicide ont été enregistrés entre 2007 et 2011.

Au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou, plus de 520 cas ont été enregistrés depuis 2007 jusqu’à novembre 2014.
R. R.

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