Mode d’expression lyrique d’émotions diverses, de vœux ardents, canal d’ « écoulement » de toutes sortes d’exorcismes, accompagnant généralement rituels sacrés ou profanes (voire pagano-religieux).
La chanson (texte et musique) « kabyle » est cependant différemment appréciée selon sa « teneur » thématique… « …parce que truffée de notions paillardes, la chanson était bannie des milieux familiaux…(Par contre) .
Le chant mystique et religieux des milieux populaires, des milieux confrériques prend un nouvel essor depuis une vingtaine d’années, grâce à la reprise d’anciennes œuvres anonymes héritées du passé et que viennent enrichir de nouvelles compositions ».
De la diversité et de la quintessence de quelques communications
Le patrimoine musical de la Kabylie (Contextes, formes et système), c’est le thème qui aura donc été, pour rappel, celui d’un colloque international qui s’est déroulé les 1er et 2nd ET 03 décembre 2014 à la Maison de la culture de Bejaia. Initiative du CNRPAH (Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques), Ministère de la culture.
Y ont pris part en qualité d’intervenants invités étrangers MM. Mahmoud Guettat (Tunisie), Pierre Augier (France), Salim Dada (Algérie-France), Mehdi Trabelsi (Tunisie), Abdelwahab Redha Benabdallah (France), Abdulla-Mokhtar Sebai (Lybie), Mohamed Gouja (Tunisie), François Picard (France), Yosr Bouhali (Tunisie), Mehenna Mahloufi ( France), Karim Elloumi (Tunisie-France) et des femmes :
Rosalia Martinez (France), Faouzia Belhachemi (Algérie-France), Anas Ghrab et Olfa Nejima (Tunisie). Côté algérien aussi, des titres d’exposés intéressants auront été développés non sans une fort respectable érudition. Ainsi Malha Benbrahim avec « Lecture historique du patrimoine poétique kabyle. La poésie nationaliste entre universalité et ancrage politico-culturel local », ou encore Maya Saïdani avec « L’ethnomusicologie face à l’industrie du spectacle »…
Dahbia Aït Kadi, Zahia Teraha, Fatima Dilmi ainsi que Sabrina Haffad figuraient également au programme de ce colloque. L’amour au féminin : L’expression amoureuse à travers la chanson kabyle moderne est le sujet traité par Fazia Aitel.
Professeur de langue, littérature et culture francophones à Claremont Mc Kenna College, California, U.S.A. Elle rappelle que « dans la culture kabyle qui est essentiellement orale, les événements majeurs de la vie d’une femme (mariage, naissance…) trouvent naturellement leur expression dans la chanson traditionnelle qui, souvent, exprime et reflète des valeurs collectives…
Où trouve-t-on l’expression de sentiments plus personnels, plus intimes tel que l’amour ? ». Et de citer Tassadit Yacine : « Dans son ouvrage intitulé « L’izli ou l’amour chanté en Kabyle », Tassadit Yacine regroupe plus d’une centaine de poèmes courts que l’on appelle « Izlan », et qui forment un genre poétique utilisé dans les échanges amoureux. Ces poème chantés ont une portée sentimentale ou érotique. Yacine appelle l’ « Izli » la poésie de l’individu… ».
Pierre Augier, musicologue et musicien, a intitulé son intervention « Musique kabyle et culture européenne ». Il y est question de « la délicate question des conditions à remplir pour fixer par écrit des musiques de tradition orale dans un contexte culturel différent de celui où elles se sont développées… », et également du célèbre musicien-compositeur algérien Mohamed Iguerbouchen :
« …Une mise en perspective de l’œuvre considérable de Mohamed Iguerbouchen par rapport à l’environnement dans lequel il a passé son enfance et à la période, marquée par la seconde guerre mondiale, dans laquelle s’est déroulée sa carrière (est une exigence) ». « La tradition orale, son traitement dans l’étude du patrimoine musical :
quelques remarques sur la construction des identités en Algérie » est le thème qu’a abordé Faouzia Belhachemi (Maître de conférences en anthropologie, chercheure associée au CNRPAH-Alger) : « …L’approche méthodologique que nous développons s’appuie sur deux axes de la recherche anthropologique, l’un d’anthropologie des techniques consacré aux chaînes opératoires dans la fabrication d’instruments de musique par les potières musiciennes et cultivatrices de l’Ahaggar, tel que l’abaqa…
Dans le champ de connaissances des pratiques musicales, cet itinéraire suggère une hypothèse forte sur les voies possibles empruntées par les musiques dans les sociétés berbères au contact avec les univers des sociétés sahélo-sahéliennes ». Brahim Bahloul (Chercheur-Chef de projet recherche au Ballet National (Algérie), chorégraphe) a traité un sujet intitulé « La femme kabyle et son expression corporelle : la danse ».
Il fera découvrir la Cinétographie, méthode internationale de notation de la danse sous toutes ses formes, utilisée par des spécialistes pour la sauvegarde des danses menacées de disparition ». « « DAYNAN », patrimoine musical amazigh en voie de disparition » est l’intitulé de l’exposé de Abd Nacer Bourdouz, chercheur au CNRPAH. « Parce qu’il chante l’amour, la passion, les joies et les peines, voire l’érotisme que le genre traditionnel et ancestral musical et poétique daynan, aux paroles osées, a du mal à retrouver sa place d’antan dans une société de plus en plus conservatrice ».
Ouiza Galleze (CNRPAH) s’est intéressée à « Quand la femme chante la femme : Regard sur la condition féminine dans la chanson kabyle ». Tandis que le Tunisien Mohamed Gouja (Musicologue, Institut des arts et métiers, Gabès-Tunisie) a tenu à « définir une identité musicale : Le cas de l’île de Jerba » :…Cette île dont le substrat culturel et civilisationnel le plusprofond est fondamentalement berbère, continuellement arabisé depuis 15 siècles… ».
« Le chant d’endormissement dans le répertoire musical kabyle », un thème qu’a proposé Mehenna Mahfoufi (Chercheur émérite CNRS Paris) : « …Le chant d’endormissement ou berceuse (ahuzzu) constitue l’un des genres du répertoire musical kabyle que les femmes composent, diffusent et perpétuent de génération en génération depuis la nuit des temps. Mais, suite aux mutations sociales vécues par les femmes après l’indépendance recouvrée, cette perpétuation s’est interrompue… »…
Et la musique, la chanson, les thématiques lyriques kabyles évoluent, y compris les instruments de musique et les lignes mélodiques, empruntant souvent et de plus en plus à des musiques d’autres patrimoines étrangers…Les brassages sont inéluctables, surtout de nos temps, n’est-ce pas…L’essentiel étant la sauvegarde d’ « au moins » ( ?) la quintessence de notre identité tous aspects (positifs…) confondus.