Histoire

L’automne, Paris et papon

Publié par Par Amar Belkhodja (*) le 26-01-2015, 16h09 | 39
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Trop d’événements nous étouffent, nous oppressent, nous asphyxient et risque de nous faire détourner de notre passé, de notre histoire.

L’ampleur de la tragédie, amplifiée tous les jours par les éléments irresponsables manipulés par des forces occultes porte un coup sérieux à notre histoire nationale en retardant et différant son écriture si indispensable aux générations pour les maintenir en contact avec le sacrifice consenti par les aînés.


La journée du 17 octobre, dite journée de l’émigration, nous renvoie aux manifestations de notre communauté immigrée qui se sont déroulées en automne 1961 dans la capitale française. La manifestation de rue est un phénomène qui en tant que moyen d’amplification de la lutte, apparut dès le mois de décembre 1960.

En effet, les 9, 10 et 11 Décembre, le peuple d’Ain Témouchent, d’Oran et d’Alger ont envahi la rue pour manifester leur réprobation à la présence française, leur fidélité au FLN qui a déclenché le combat libérateur en Novembre 1954 et leur fort attachement à une Algérie indépendante et souveraine.

Ces manifestations se poursuivent durant toute une année en d’autres lieux. Il s’agit plus particulièrement des violentes manifestations de Tiaret, Sougueur, Gueltet – Sidi – Saad, Sidi Abderrahmane, El Abiodh Sidi Cheikh où le mot d’ordre fut donné de boycotter le référendum du 8 janvier 1961.

Une journée sanglante qui a vu périr dans ces différents centre une trentaine de jeunes parmi lesquels des citadins, des nomades et des femmes. Le système colonialiste fut sérieusement ébranlé par cette série de manifestations populaires qui selon les observateurs et le climat politique, risquaient de se propager à travers l’ensemble du pays.

Désormais un élément probant est venu renforcer une lutte qui avait déjà mobilisé toutes les couches du peuplealgérien. Pour l’opinion française et l’opinion internationale, la question algérienne exprime sans équivoque l’engagement de tout un peuple dans un combat dont le but n’était autre que l’indépendance nationale et la destruction d’un système générateur de discrimination, d’exploitation et de répression.

De l’autre côté de la Méditerranée, sous les cieux de ce qu’on appelait à l’époque la métropole, notre émigration, dont la présence en France remontait au début du siècle, s’est trouvée elle aussi engagée derrière le FLN en dépit des  diversions entretenues par le pouvoir colonial qui «  laissait faire » le MNA.

Le FLN, net dans ses positions et clair dans ses objectifs, triompha des menées de division et sut consolider une unité d’action sous une unité de direction, conformément aux recommandations contenues dans la plate – forme issue du congrès de la Soummam (août 1956).

Cette émigration qui a déjà alimenté de ses fervents patriotes avant-gardistes de l’Etoile Nord – Africaine, se trouve, durant la guerre de libération nationale, mobilisée derrière le FLN, en militant sous toutes les formes pour appuyer une lutte qui exigeait une logistique de plus en plus forte et des réserves populaires toujours disponibles à l’appel du combat libérateur.

La collecte de fonds, pour ne citer que cet aspect, fut capitale dans la poursuite de la guerre. La part consentie par la communauté algérienne en France et en Europe comptera beaucoup en permettant au FLN de financer de coûteuses et multiples opérations.

La guerre était pour ainsi dire, portée en France. Les actions de fidayine attentats et sabotages inquiétèrent les autorités françaises qui multiplièrent les rafles, les contrôles de rues et à domicile et les quadrillages de quartiers « arabe ».

Le combat porté en France ne laisse pas indifférents les milieux intellectuels et les démocrates français parmi lesquels des hommes de lettres, de théâtre, de cinéma s’insurgent contre la guerre coloniale, la torture et les assassinats collectifs commis dans la patrie d’Abdelkader.

Parce qu’ils ont accepté d’associer leur parole, leurs écrits et leurs actes à notre lutte, les démocrates et une certaine classe d’intellectuels français - femmes et hommes- méritent notre reconnaissance et notre amitié.

L’histoire retiendra les noms de ces courageux « porteurs de valises » - Je n’aime pas tellement cette définition - dont beaucoup partagèrent les souffrances et les geôles avec les patriotes algériens.

La plate forme du congrès de la Soummam avait été claire – dans plusieurs points – sur la définition du combat de Novembre en proclamant notamment que la guerre menée par le peuple algérien n’est pas une guerre de religion (entre musulmans et chrétiens) ni une guerre de races (entre arabes et français).

Le cours des événements donnera raison à ces deux affirmations puisque dans les remous de la guerre l’on verra des hommes de l’église catholique appuyer la cause algérienne tandis que certains de nos propres coreligionnaires (hommes du culte musulman, le recteur de la moquée de Paris en tête, le triste sire Hamza Boubakeur) renieront leur patrie et combattront leurs compatriotes.

De même – côté racial-, l’on verra des français d’appartenances politiques diverses, défendre la cause des algériens tandis que entre autres, Bachagha Boualem et Ali Chekkal, servirent le système colonialiste, les cents seigneurs d’Algérie et leurs acolytes en France.

Mais à Paris, la répression se poursuit, implacable, contre les militants de la fédération FLN de France et contre nos émigrés d’une manière générale. Maurice Papon assume avec zèle ses fonctions de préfet de police.

C’est une vieille connaissance. Il a « cassé du Fell » quand il était préfet à Constantine. Nous sommes en octobre 1961. Le chef de la police parisienne veut mater le FLN et comme en Algérie il veut isoler les éléments actifs de la Fédération de France de la grande masse des travailleurs émigrés parmi lesquels beaucoup vivent en famille.

Pour maîtriser la situation et neutraliser les réseaux FLN, Papon décide le 6 octobre, sur instruction de son gouvernement, d’établir un couvre – feu qu’il applique exclusivement aux Algériens de 20 h 30 à 5 h 30 du matin. Le FLN, lui, réagit à ces décisions discriminatoires. Il mobilise les algériens pour une marche pacifique le 17 octobre 1961 à Paris.

Estimé à 20 000 personnes, les travailleurs algériens femmes et enfants compris, répondent à l’appel du FLN et sortent dans les rues parisiennes à la date prévue. La marche est paisible, non violente, non agressive. C’est uniquement un signe de protestation contre l’établissement d’un couvre – feu à l’adresse d’une communauté qui répond de la nationalité algérienne.

Maurice Papon réagit autrement à l’affront. Il donne l’ordre systématique à sa police de réprime  L’automne sur la planète, Octobre à paris et Papon furieux contre les arabes. Les paisibles travailleurs, mains nues, sont surpris par une violence subitement déclenchée par un corps policier zélé et avide de « ratonnades ».

C’est la plus grande et la plus gigantesque des « ratonnades » qu’ait connue Paris depuis que la répression est conduite, non sans férocité, contre la communauté algérienne.

C’est la nuit sanglante où s’entremêlent les cris de douleurs et de souffrances des algériens et les insultent haineuses et humiliantes des policiers qui réagissent avec le même ressentiment que leur chef. Des coups pleuvant comme la grêle, le sang gicle.

Des morts des dizaines de morts, des centaines de blessés. Pas de pitié pour les « bicots » s’écria – t –il, certainement, l’ancien complice du nazisme sous le régime capitulard de Vichy. Les Algériens fuient dans toutes les directions, poursuivis par des policiers décidés à faire un carnage.

Les charges sont brutales et impitoyables. Visages ensanglantés, les travailleurs algériens sont gardés à vue dans les rues. Les mitraillettes pointées en leur direction, avant d’être embarquées dans les cars de police. Ils sont ensuite « accueillis » par des brigades spéciales à coups de crosse et de trique. Des dizaines de personne ont péri par la suite de ces mortels matraquages.

Et puis, il y a eu les noyades dans la seine. Cette rivière qui inspira tant de poètes et tant de chanteurs, le 17 octobre 1961, avala plusieurs de nos compatriotes, poussés et noyés par des policiers acharnés contre de pacifiques manifestants.

Lorsque ces derniers tentaient de sortir des eaux de la rivière, ils sont impitoyablement repoussés au fond. Plus d’une centaine d’Algériens ont péri de la sorte, noyés dans les eaux de la seine. Leurs corps remontaient ensuite à la surface, comme pour témoigner des vils procédés, ordonnés par l’allié de fascisme hitlérien.

Bilan : Des dizaines de morts, des centaines de blessés et plus de 15 000 arrestations

Automne sanglant, automne bien désolant et bien triste d’un Paris rendu encore une fois le témoin des luttes populaires, depuis les célèbres et héroïques résistance des communards, jusqu’aux manifestations des travailleurs immigrés algériens, venus en France prêter leur force de travail pour faire nourrir des leurs resté là-bas en Algérie, où les cents seigneurs ne s’arrêtaient plus de dévorer une partie depuis la conquête de 1830.

Cette journée d’automne 1961 à Paris, est une journée de souffrances, de luttes et de sacrifices que, nous Algériens, n’avons pas le droit d’oublier. 

Elle s’inscrit comme une étape importante dans la poursuite du combat pour la liberté qui se déroule, cette fois – ci au cœur même du centre des décisions politiques du gouvernement français.

Aujourd’hui, l’immigration algérienne, la jeunesse immigrée surtout, devra évoquer cet événement avec des sentiments élevés de patriotisme et réagir avec vigilance contre toutes les tentatives d’égarement prônées soit par les irresponsabilités qui se sont succédées  et qui ont négligé effrontément le rôle joué par nos compatriotes en France pour le recouvrement de l’indépendance soit par les nouveaux trublions qui font de l’agitation pour porter atteinte à l’unité de notre peuple au non des intégrismes de tous noms et de tous ordres.

Comme il faudra veiller à entretenir l’amitié avec tous les français qui n’ont pas hésité à gagner le camp algérien pour défendre les nobles idéaux de la liberté et de la dignité humaine.

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