
L'attaque terroriste perpétrée à Dacca sème la crainte d'une fragilisation de l'industrie textile du Bangladesh, secteur clé de l'économie qui approvisionne en vêtements bon marché les grandes marques mondiales d'habillement, selon des responsables du secteur. Des hommes armés ont pris d'assaut le Holey Artisan Bakery, situé dans le quartier diplomatique de Dacca, et tué 20 clients pour la plupart étrangers et à coups de machettes, une attaque visant largement la petite communauté expatriée. «Cette attaque va détourner les étrangers» du Bangladesh, craint Faruque Hassan, vice-président de l'association des fabricants et exportateurs d'habillement du Bangladesh, qui représente 4.500 fabricants de vêtements. «L'impact de cette attaque va être très préjudiciable pour le secteur. Nous sommes extrêmement inquiets», a ajouté Hassan, dont le groupe «Giant Group» fournit des vêtements à des chaînes de distribution. Le Bangladesh, deuxième exportateur mondial de textile derrière la Chine, est déjà secoué depuis des mois par une vague de meurtres de membres de minorités religieuses, d'intellectuels et d'étrangers revendiqués par des groupes terroristes. La population bangladaise, confrontée à un paysage politique instable,
craint de voir le chaos se propager. La police sous pression a arrêté 1.000 personnes en juin en réaction à des assassinats en série. «La crise des otages de Dacca est une tragédie terrible qui montre combien la sécurité s'est dégradée dans le pays», estime Sarah Labowitz, co-directeur du NYU Stern Center for Business and Human Rights à New York. La violence représente «une menace sérieuse pour l'économie», ajoute-t-elle. «Ce type d'attaque va certainement éloigner les acheteurs (de textile) pour quelques mois jusqu'à la saison d'achats des fêtes» de fin d'année. Le Bangladesh, dont un quart des 160 millions d'habitants vit sous le seuil de la pauvreté, affiche une croissance d'environ 6% pratiquement chaque année depuis 2000. Une performance largement portée par les exportations de textile qui représentent 80% des biens exportés chaque année. Le secteur emploie plus de quatre millions de personnes, essentiellement des femmes pauvres venant d'un milieu rural. Le Bangladesh est un pays résilient qui a surmonté de nombreuses crises: mouvements sociaux, blocage des transports, paralysie politique et accidents industriels. Ses exportations d'habillement ont progressé de 10% sur 12 mois clos fin juin, à 27,3 milliards de dollars. L'effondrement en 2013 du complexe textile du Rana Plaza, qui a tué 1,138 ouvriers, a choqué dans le monde entier, jetant une ombre sur le fonctionnement des chaînes occidentales d'habillement. Cette tragédie a poussé les autorités à améliorer les conditions de sécurité dans les usines de leurs sous-traitants locaux, où accidents et incendies sont fréquents. Les spécialistes de l'industrie textile soulignent que la violence touche de nombreux pays émergents où la main d'oeuvre est bon marché, et que la menace terroriste est mondiale. «Si les étrangers cèdent à la terreur, le terrorisme aura atteint son objectif politique», relève Devangshu Dutta, directeur général du cabinet de conseil en distribution Third Eyesight, basé à New Delhi.