Editorial

Notre mémoire

Publié par A.B. (*) Journaliste- Auteur le 14-12-2014, 17h46 | 65
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Nous n’avons pas suffisamment exploré le passé pour évaluer le martyrologe algérien et nous imprégner de l’esprit de sacrifice de notre peuple Certes, le plus lourd de ces sacrifices nous renvoie à l’insurrection de Novembre 1954 au cours de laquelle 1 500 000 des nôtres ont trouvé la mort.

Les uns tombèrent au cours des grandes batailles que la glorieuse ALN livra aux colonnes française. D’autres furent guillotinés. D’autres ont péri sous la torture, pratique généralisée et institutionnalisée par le système de la répression et de l’exploitation. D’autres encore furent assassinés dans les camps de concentration.

Plusieurs de nos compatriotes furent carrément portés disparus ou enlevés et assassinés par la «Main rouge» organisation du meurtre tolérée et encouragée par un «ordre établi» par la violence depuis 1830.

Le soulèvement de Novembre entraîne une répression des plus violentes et des plus meurtrières. La police et l’armée françaises déclenchèrent une véritable «chasse à l’arabe» dans un pays où tout le peuple était devenu le suspect numéro un.

On tuait n’importe où, sous n’importe quel prétexte, le but étant de terroriser les masses et de les désolidariser de leur organisation politico-militaire, le FLN–ALN. Alors le meurtre se banalisa. Il se commet tous les jours, à l’encontre des civils, des femmes, des enfants, des vieillards. Des douars sont brûlés au napalm. Des décheras sont bombardées et rasées.

C’est le lot quotidien d’un peuple qui s’était engagé dans la lutte pour briser le système de la honte, le cancer, la gangrène de la civilisation.Si l’assaut final contre le colonialisme fut donné par les enfants de Novembre, il faut rappeler que la guerre coloniale imposée à notre pays depuis l’agression de 1830 provoquera l’un des plus grands crimes contre l’humanité durant le siècle dernier. C’est pourquoi la journée nationale du martyr, commémorée le 18 février de chaque année, devra symboliser et évoquer tout le martyrologe algérien.

Depuis les plus âpres combats par le vaillant Abdelkader, jusqu’aux massacres de mai 1945, toutes les révoltes, tous les soulèvements furent réprimés dans le sang. Les canons français ne pilonnaient pas uniquement les cavaliers intrépides de l’Emir Abdelkader, de Boumezrag, Bouamama, de Bouchoucha ou les moussebiline de Lalla Fatma N’Soummeur, mais décimaient tout ce qui se mouvait, hommes et bêtes. Vaincre les khalifats de l’Emir Abdelkader ou les moussebiline de Fatma N’Soummeur n’était pas chose aisée.

Il fallait recourir au meurtre collectif et à la destruction systématique des biens, des villages, du cheptel, des récoltes. Voilà la politique meurtrière innovée par Bugeaud en 1839, puis poursuivie contre tous les révoltés algériens, pour écraser complètement et définitivement un peuple opposé farouchement à la domination.

Le meurtre collectif, ce sont les 1 000 martyrs de la tribu des Ouled Ryah, emmurés et asphyxiés par Pélissier en 1845 dans la grotte du Dahra. Le meurtre collectif, ce sont les 25 martyrs de Zéralda, asphyxiés eux aussi dans une minuscule geôle où ils furent séquestrés par un maire raciste en 1942.
Un siècle après les enfumades du Dahra, le sang des Algériens coulera à flots en 1945 à Kherrata, Guelma et Sétif.

L’hystérie des colons organisés en milices, appuyées par une armée qui capitula devant les troupes nazies, entrainera les tueries les plus lâches et les plus barbares. Les fosses communes avaleront pour toujours les corps de milliers de jeunes, de femmes et de vieillards. Les cadres les plus aguerris du mouvement national furent assassinés.

Les martyrs de Novembre 1945, les martyrs de toute la résistance anticoloniale, depuis la bataille du Maktaâ en 1835, jusqu’aux soulèvements des Béni Chougrane en 1914 et des Aurès en 1917, interpellent présentement notre conscience collective. Ils nous interpellent du fond de leurs tombeaux ou de leurs fosses communes, pour la défense de leur mémoire.

Défendre leur mémoire, c’est entretenir le culte du souvenir, car la pire des choses qui puisse nous arriver, c’est l’oubli. C’est un phénomène qui anéantit la personnalité et livre la nation à tous les égarements. Il faut admettre que nous n’avons pas suffisamment honoré la mémoire de nos martyrs – de tous les martyrs – Qui connaît le lieu exact des grottes du Dahra, le tombeau géant de 1 000 êtres ? A-t-on consigné les dates, repéré les lieux, recensé tous les endroits, tous les sites historiques, depuis l’épopée de l’Emir Abdelkader jusqu’aux luttes héroïques de Novembre 1954 ?

Avons- nous développé dans les esprits de nos écoliers, lycéens et étudiants, le sentiment d’attachement au passé ? Bref, nous avons négligé manifestement le devoir d’enseigner l’histoire, toute l’histoire, c'est-à-dire une discipline capable d’entretenir le sentiment patriotique.

Si l’épopée de l’Emir Abdelkader a servi le nationalisme moderne du début du XXe siècle. Il est impératif  que Novembre 1954 serve la postérité dont le devoir consiste à protéger l’Algérie contre la confiscation de l’histoire, sa déformation et sa falsification par des usurpateurs de tous bords et de tous les temps.

L’histoire est le pilier sur lequel repose notre nation. La méconnaître ou la renier, c’est devenir vulnérable à toutes les aventures, à tous les affronts et à tous les complots. En tous lieux, en tous endroits, le sang des martyrs a coulé. Il a coulé pour l’amour de la partie, pour le triomphe de la justice, de la liberté et le recouvrement de la dignité.

Si nous cessons de glorifier nos martyrs, nous cesserons d’aimer l’Algérie. Si des milliers de nos compatriotes ont accepté de sacrifier leur vie, c’est parce qu’ils aimaient l’Algérie. Arrosons tous les jours notre mémoire collective. Nous sommes convaincus que les souvenirs les plus vifs, les plus intenses, les plus passionnants fleuriront pour faire renaître en nous le même sentiment qui animait Ben M’hidi, Zabana Amirat, Boudiaf…
 

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